Le Chili est une nation d’hommes. De fiers caballeros sur leurs chevaux, de mineurs valeureux qui chantent l’hymne national, de moustachus virils buvant le pisco comme d’autres un jus de pomme… Oui, le pays reste marqué par l’emprise de l’homme.
Bien sûr, le Chili a changé et les femmes ont bien évidemment obtenu les mêmes droits que les hommes. Le Chili fut d’ailleurs le premier pays d’Amérique du sud à élire une femme présidente : Michelle Bachelet, en janvier 2006. Il n’empêche, il reste un côté « macho » venu de la culture populaire qui veut que certaines tâches restent prérogatives féminines.
Difficile dans ces conditions d’imaginer le « mâle dominant » rabroué par sa femme et battu d’une main leste. Et pourtant… Les cas de violences sur les hommes ont augmenté en flèche au cours des dernières années. Sur 113000 cas recensés de violences dans les familles, 14913 appels concernaient les hommes. Il ne s’agit pas là de nier ni de minimiser le fait que les violences sur les femmes restent largement majoritaires. Mais comment expliquer ces presque 15000 victimes masculines quand leur nombre n’atteignait pas les 5000 en 2003 ?
La responsable du service des affaires familiales pour la police chilienne, Sylvana Marisio, a bien tenté une explication dans le journal El Mercurio : « Nous avons mis en place un numéro de téléphone spécial pour les violences en familles. Peut-être que cela a incité les hommes à prévenir quand ils étaient victimes. Avant, c’était plus difficile de faire la démarche et de venir le dire. Il y a la culture derrière : pour un homme c’est difficile de dire que l’on a été violenté. »
Un homme battu confirme le fardeau à porter : « Ici, les gens rient d’un homme qui a été frappé… », note-t-il alors qu’il a longuement hésité avant de décrocher son téléphone.
« Il faut quand même noter que les violences sur les hommes sont généralement rares et ponctuelles, insiste une représentante d’un institut spécialisé dans la prise en charge des personnes battues. Alors que chez les femmes, cela s’étale plus souvent sur la durée. » Il n’empêche, les « bourreaux » des hommes – que ce soit leurs femmes, leurs enfants ou tout autre personne de leur famille car les chiffres intègrent toutes les violences en famille - sont rarement punis : dans 43% des cas, les hommes retirent leurs plaintes. Le poids de la honte est parfois plus difficile à supporter que la violence des coups.