Il y a toute cette ambiance du samedi soir. Alcoolisée, enfumée, bruyante, électrique. Un latino-américain roule un pétard. Des garçons blonds aux cheveux très courts cognent des chopes de bière.
Nous faisions ça aussi, en groupe. Du bruit. Des chants. Des tournées. Le chaud sentiment d'une fraternité qui nous rendait plus forts, qui mettait une bulle de chaleur au milieu du monde.
Désormais je passe à travers tout ça en revenant seul d'événements qu'on appelle culturels. Ce soir une pièce de théâtre. Du Sophocle. Il y a deux jours une lecture par un comédien. C'était plus calme. C'était jeudi. Moins de rire, d'hystérie, de cris.
Il m'arrive encore de me soûler mais c'est une euphorie plus douce. Quand je suis avec des amis. Nous nous regardons dans les yeux en silence. Puis nous contemplons la nuit derrière les vitrines des cafés. Parfois des souvenirs surgissent ou nous parlons politique. Ça advient toujours moins souvent.
Je me retrouve plutôt seul à une table, avec un petit carnet ou un ordinateur portable, à écrire des mots sur le passé. Le monde n'est plus une promesse, plus du tout, mais un prétexte, quelque chose à évoquer.
Finalement, il me semble que c’est mieux. Peut-être...