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Etat chronique de poésie 1004

Publié le 21 septembre 2010 par Xavierlaine081

1004

Lorsqu'à l'aube ils sont venus chercher Ali, Abdel

Malik ou Toufik et que je détournais mon regard

Justifiant en mon cœur mon paisible confort

Je me rendais coupable de cette ignoble trahison

.

Lorsque près de chez moi ils ont construit le camp

Entouré de fils barbelés d'où s'échappaient parfois

Les cris sourds de familles déchirées et meurtries

Ils étaient afghans roms maghrébins ou africains

Je n'ai pas protesté je n'ai pas crié j'ai juste regardé

.

Je n'ai pas protesté quand ils sont venus déloger

Mon voisin de pallier qui ne payait plus son loyer

Coupable de pauvreté je me disais convaincu

Tout ça n'arrive qu'aux autres qui l'ont bien cherché

.

J'ai perdu mon boulot et ma femme m'a plaqué

J'avais beau crier dans la nuit nul n'écoutais plus

J'ai mis la clef sous le paillasson en tournant le dos

La nuit m'a happé dans son manteau de cauchemar

Je me tais désormais, assis sur mon dernier carton

.

Ah! Si j'avais su parler lorsqu'il en était temps!

*

Mais voilà je me suis tu et rien ne vient désormais calmer mes nuits sans sommeil. Je me croyais bien au-dessus de ce que ce monde inflige aux plus faibles. Je marchais avec la certitude de ne jamais être atteint. Mes rêves me portaient dans une croissance infinie de mon propre bien-être. J’étais convaincu de mon propre parcours, de mon développement personnel, de ma vérité établie. Mon savoir immense devait me mettre à l’abri. Rien ne laissait prévoir que la terre elle-même viendrait s’ébrouer sous mon petit paradis.

.

Il ne m’est rien resté alors que mon maigre baluchon.  De mon identité je n’avais aucune preuve, sinon mes vagues souvenirs. Ceux qui avaient eu la chance d’en réchapper me regardaient désormais d’un sale œil. Ils furent mes amis, mais aujourd’hui ils se détournent sur mon passage. On dirait que ma vie même est devenue pour eux un doigt accusateur. Il me vient parfois l’envie d’en finir, d’abréger une souffrance qui ne fait que commencer. Ce monde là ne donne aucune chance de rémission aux victimes de leur destin.

.

Alors, je déambule de carton en carton, de bouche de métro en parkings humides. J’ai appris à feinter pour échapper aux rondes des gendarmes et de leurs chiens. J’ai même compris qu’il me fallait me méfier des mains tendues, des charités bien ordonnées qui ne commencent toujours que par soi-même. J’ai pris la poudre d’escampette de ce monde qui ignore ce que notre humaine condition couvre de fragilités.

*

J’ai tout perdu

Le fruit de mes pertes

Brille dans mes nuits

Il a la couleur de ta pupille

Et de ton clin d’œil

Ultime flamme

Dans mon monde désolé

.

Manosque, 18 août 2010

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