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La guérison est possible

Publié le 21 septembre 2010 par Francisbf

Il est des vilaines rumeurs qui circulent dans le coin. Des rumeurs portant sur certains d'entre vous.

Ce blog serait une zone du web où, dit-on (à voix basse, en jetant des coups d'oeil derrière son épaule au cas où l'un d'entre vous passerait dans le coin), on aime lire. Je prends donc les devants, et je vous le dis tout net, si c'est le cas, je ne cautionne pas. Cependant, il faut mettre quelques petites choses au point.

Tout d'abord, dédramatisons tout de suite les choses, ce n'est pas forcément si grave qu'on le dit. Des gens très bien ont lu, et ont malgré cela mené une vie saine, mangeant fruits et légumes, et certains même ne portaient pas de lunettes et ont fait preuve d'une hygiène corporelle impeccable, et ont démontré qu'ils étaient de bons citoyens. Ce n'est pas la majorité, mais il y en a eu. Si ça se trouve, vos parents, vos frères ou soeurs sont des lecteurs, et vous ne le savez même pas.

Il faut donc accepter cet état de fait, et ne pas rejeter les lecteurs de manière épidermique. Il faut tenter de les comprendre. Ils ont souvent eu une enfance difficile, privés de télévision et de Game Boy®, envoyés dans des colonies de vacances dans l'Aube, sans poneys ni jeu de fléchettes, et où les livres étaient, hélas, le seul moyen d'évasion Ajoutez-y le frisson de l'interdit, et vous créez une addiction qu'il sera difficile à éliminer.

Je sais, l'ennui n'excuse rien, me direz-vous, ils auraient aussi bien pu gambader dans la campagne, collectionnant les limaces et apprenant à fumer aux hérissons. Certes. Mais le fait est que ces jeunes sont maintenant des lecteurs, et que les soigner est notre devoir à tous.

Attention, cependant Ce n'est pas grave, des gens s'en sortent malgré leur boulimie de lecture, mais ce n'est pas bénin non plus. Enlevez ses bouquins à un lecteur endurci, il risque de dépérir. Ça s'est déjà vu. Les juifs étaient de grands lecteurs, on a tenté de les soigner en brûlant leurs bouquins dans les années 40, et beaucoup en sont morts. Il faut être prudents.

Comment donc reconnaître un lecteur ?

Les symptômes ne sont pas si évidents. On dit beaucoup qu'ils sont myopes et doivent porter des lunettes. Beaucoup le sont, en effet. Mais le port de lunettes peut être consécutif à une addiction bien innocente à l'ordinateur, à une tendance à jouer aux jeux vidéos trop près de l'écran, ou, de manière plus perverse, à une volonté d'exciter le sexe opposé en ayant l'air un peu marginal. Ce critère est donc loin d'être efficace, et frapper un binoclard pour tenter de le faire revenir à des occupations plus saines est donc déconseillé : cela peut inciter un innocent à la lecture, par simple révolte contre une injustice.

En fait, la plupart des critères physiques sont nuls et non avenus. On ne peut pas, à coup sûr, reconnaître un lecteur à son apparence physique.

Le moyen le plus sûr d'identifier un lecteur est de lui parler. Tout d'abord, le voyez-vous suffisamment souvent pour ça ? Si sa vie sociale est limitée, que vous ne le voyez pas connecté ni dans un autre contexte social, c'est peut-être qu'il est en train de lire. En tous cas, c'est une piste. Tendez l'oreille quand vous parlez à une personne que vous pensez pouvoir être un lecteur potentiel. Use-t-il d'un vocabulaire que vous ne connaissez pas ? De citations qui ne sont manifestement pas tirées d'un film ou d'un jeu vidéo ?

S'il cumule plusieurs indices, vous devez présumer que vous avez affaire à un lecteur. Attention ! Il va falloir, dans ce cas, la jouer fine. Comme ce n'est pas directement mauvais pour la santé, la plupart des lecteurs refusent de considérer leur addiction comme un vice. Si vous êtes sûr de vous (et seulement dans ce cas, les abus seront punis), dénoncez-les au service municipal. Ils seront rééduqués sans tarder dans un centre de soins proche, où tous leurs besoins seront comblés, tout en les sevrant progressivement.

N'ayez pas de crainte : ce n'est pas douloureux. Le traitement est comparable à l'utilisation de méthadone pour soigner les héroïnomanes : on leur donne un substitut de littérature (Marc Levy, Guillaume Musso) qui à la fois satisfait (le geste de saisir un livre et de le feuilleter est là), et en même temps présente beaucoup moins de risques que ce que les lecteurs appellent, dans leur argot, « de la bonne » (littérature).

Une fois sevré, l'ancien lecteur pourra être relâché. Mais vous, les proches, faites attention : une rechute est toujours possible.


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