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Qu’est-ce qu’un alicament ?
Yaourts au bifidus, produits laitiers enrichis en calcium, en omégas 3, en stéréols, végétaux, acide gras, probiotiques… Si l’on ne sait pas vraiment ce dont il s’agit, une chose est sûre, les vertus qu’ils nous promettent sont assez convaincantes pour que ces alicaments se retrouvent illico dans nos chariots. Arrivés au beau milieu des années 70 dans les rayons des supermarchés européens, ces aliments-médicaments (d’où alicaments) sont artificiellement enrichis en nutriments, sur lesquels on ne tarit pas d’éloges. S’ils ne soignent pas ils auraient en revanche des vertus multiples. Quand certains de ces aliments rétabliraient le transit intestinal, d’autres lutteraient contre l’excès de mauvais cholestérol ou favoriseraient la croissance osseuse. Derrière ces promesses, une industrie agroalimentaire qui joue des coudes pour innover et gagner de nouveaux marchés.Si les alicaments ne sont donc pas des médicaments à proprement parler, il s’agit bien d’aliments puisqu’on les retrouve dans les rayons aux côtés des produits laitiers, beurres, huiles végétales mais également parmi les produits céréaliers. Avec des ingrédients proches voire identiques à ceux qui entrent dans la composition des compléments alimentaires pris sous forme de gélules, fioles ou ampoules, les alicaments eux revêtent une forme alimentaire comme un yaourt, un jus de fruit ou une margarine.
Une réglementation stricte
Consommer des alicaments ou comment manger tout en préservant sa santé… Et c’est justement parce que ces aliments sont estampillés « bons pour la santé », « faible teneur en graisses », « sans sucre ajouté » ou « riche en fibres », qu’ils font l’objet d’une attention particulière. Les allégations nutritionnelles apposées sur les étiquettes de ces produits sont contrôlées au niveau européen depuis 2006. Les producteurs d’alicaments n’ont ainsi pas le droit de présenter leurs produits avec des allégations faisant état de prévention, traitement ou guérison de maladies. Ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis ou au Japon, où les chewing-gums contre le rhume côtoient des boissons « prévenant le cancer »...D’autre part, tout ce que l’industriel affichera devra pouvoir être justifié d’un point de vue scientifique. L’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) est chargée de vérifier le bien-fondé scientifique des demandes d’allégation introduites, certaines étant déjà utilisées actuellement et d’autres étant proposées par des demandeurs d’autorisation. Ces informations sont ensuite étudiées par la Commission européenne et les États membres pour décider s’ils autorisent ou non l’utilisation de ces allégations. Il faut donc bien peser ses mots et mesurer ses promesses !La polémique : des promesses nutritionnelles douteuses
« Paroles, paroles, paroles…. ». Comment ne pas être tenté d’essayer un produit qui nous promet de guérir tous nos petits maux quotidiens et de faire de vieux os ? Et les industriels le savent bien. Les aliments fonctionnels sont aujourd’hui de véritables blockbusters ; ils ne pèsent pas loin de 4 milliards d’euros et représentent 46% des ventes de produits laitiers en France contre 9% il y a 10 ans. Les allégations nutritionnelles sont de manière évidente un argument de vente imparable. Les marques misent de plus en plus dessus si bien que « près d'un produit alimentaire sur quatre lancés actuellement en France met en avant un argument lié à la santé ». Cela permet de vendre un alicament entre 50 à 100% plus cher que son équivalent « classique ». Mais les consommateurs acceptent visiblement de passer à la caisse pour nourrir leur santé.Trop chers, superflus, manque de preuves scientifiques… Les attaques lancées à l’encontre des aliments fonctionnels ne datent pas d’hier. Les associations de consommateurs accusent les fabricants de batailler en sacrifiant l’éthique sur l’autel du coup marketing plus que rentable. La nouvelle règlementation européenne a dernièrement relancé la polémique. Danone a retiré cette année ses demandes de labellisation d’Activia et Actimel, deux gammes d’aliments « fonctionnels », auprès de l’EFSA invoquant « un manque de visibilité dans l’application du règlement européen sur les allégations santé». Pour l’association de consommateurs CLCV, il s’agit d’« un rétropédalage spectaculaire » et constitue « une avancée importante pour la protection des consommateurs » : si Danone souhaite communiquer davantage sur les bienfaits de ses produits sur la santé il faudra apporter des preuves scientifiques aux différents organismes de santé. Le bras de fer entre les industriels et l’EFSA n’est pas fini. En effet, fin juin, l’EFSA annonçait avoir rejeté plus de la moitié des demandes d’allégations santé des industriels. Un frein à l’innovation pour ces derniers qui ne peuvent plus vanter auprès du consommateur les bienfaits supposés pour la santé des aliments sans l’aval de l’agence européenne compétente.5 questions à Béatrice de Reaynal, nutritionniste
Terrafemina -Quelles sont les grandes tendances à venir ? Et les consommateurs ciblés ?Béatrice de Reynal - Nous disposons d’une telle qualité alimentaire en termes de choix ou de qualité nutritionnelle qu’aujourd’hui nous ne voulons plus seulement nous nourrir, mais aussi avoir la meilleure santé possible, le plus longtemps possible. On recherche donc des aliments qui apportent toujours plus. Les produits qui tournent autour de la minceur, des maladies cardio-vasculaires, de l’énergie ou du stress ont beaucoup de succès. Et il y en aura toujours plus dans les rayons, car ils permettent aux industriels d’innover. C’est pour eux une voie quasi-obligatoire pour rester sur les marchés.TF - Qu’est-ce que les industriels ont le droit de dire ou non, de faire ou non ?B de R - Ils ont l’obligation de préciser que seule une alimentation équilibrée permet de rester en bonne santé. Il existe des lois précises qui interdisent aux industriels de tromper les consommateurs. Globalement, ne pas tromper c’est aussi en apparence. Les visuels, mentions et dessins sont concernés. Attention aux yaourts présentés avec de nombreux morceaux de fruits qui sont inexistants lorsque l’on retire l’opercule !
TF - Les bienfaits allégués sont-ils réels ? Trompent-ils les consommateurs ? B de R - Les nutriments ajoutés sont efficaces mais leur consommation doit bien évidemment s’intégrer dans un mode de vie sain. Les gens du marketing ont toujours tendance à exagérer leurs vertus. Et les consommateurs sont prêts à rêver donc un peu fautifs. Le principe de précaution n’est pas vendeur, on le sait très bien. Le meilleur des contre-pouvoirs c’est l’information ! Le consommateur doit ouvrir l’œil. Si je dois donner un seul conseil, ce serait de lire les étiquettes et de prendre du recul par rapport aux allégations nutritionnelles!
TF - Des produits naturels (fruits, légumes, lait…) ne sont-ils pas autant bénéfiques ?B de R - Ce n’est pas parce qu’un aliment est naturel qu’il est plus efficace. De la même manière, tout ce qui est étiqueté « Bio » n’est ni meilleur ni plus profitable. Les aliments fonctionnels ne sont pas « nécessaires ».Pour rester en bonne santé, il suffit simplement de consommer des produits basiques et simplement préparés sans ajouter de superflu… sans oublier de faire du sport !
TF - Une surdose est-elle dangereuse ?B de R - Il n’y a aucun risque sur ces produits, mais leur consommation est à éviter chez la femme enceinte. De toute façon l’aliment-médicament provoque rapidement la satiété puisqu’il nourrit. Le risque de surdosage est donc minime.
Source : http://www.terrafemina.com/vie-privee/nutrition/articles/878-alicaments-des-amis-qui-nous-veulent-du-bien-.html