Si vous n’avez pas vu la saison 3, mieux vaudrait ne pas lire cette note…
Alan Ball se serait-il laissé submerger par l’enthousiasme critique et le succès populaire de True Blood ? C’est ce qui ressort de cette très brouillonne troisième saison qui, si elle n’est pas dénuée d’intérêt et se regarde toujours avec un certain plaisir, s’emmêle les pinceaux dans la multiplication des storylines et des personnages. Alors que la deuxième saison parvenait, malgré les transes orgiaques de plus en plus présentes et intenses, à se structurer clairement autour de trois intrigues principales (la recherche de Godric, le séminaire de Jason et l’influence croissante de Maryann sur les habitants de Bon Temps), la troisième saison se perd parmi les trop nombreuses pistes : entre la disparition de Bill et son allégeance au Roi de Louisiane, sa relation volcanique avec sa créatrice Lorena, le trafic de V organisé par la Reine, la dénonciation d’Eric et ses désirs de vengeance envers le meurtrier de sa famille, l’introduction des loups-garous, l’ombre planante du nazisme et les origines vikings d’Eric, les révélations concernant la vraie nature de Sookie, la souffrance de Tara et son enlèvement par un vampire désaxé, la rencontre de Jason avec une bien étrange créature, celle de Lafayette avec un certain Jesus, ainsi qu’avec la magie et la sorcellerie … Impossible de tenir toutes les promesses, et des pans entiers du récit restent à l’abandon ou font l’objet d’un traitement décevant.
Le fait est que lorsque l’on décide d’achever chacun des épisodes de la série par un cliffhanger, et que l’on refuse le recours à l’ellipse (chaque épisode et chaque saison débutant exactement là où le récit s’était précédemment interrompu), il faut être en mesure de tenir ses engagements ; or, c’est de manière quasi-systématique que le suspense de fin d’épisode débouche sur une résolution décevante et bâclée, chaque cliffhanger générant un peu moins d’attente. Le problème est de taille lorsqu’il s’agit d’une fin de saison, car Alan Ball semble cette fois-ci confondre accroche et confusion : aucune amorce de résolution pour les multiples storylines - à la différence du « phénomène Maryann » en fin de saison 2 -, de nouvelles interrogations venant néanmoins se superposer à l’ensemble. Résultat : on étouffe, on se perd, et on appréhende plus qu’on attend la quatrième saison, qui s’annonce davantage comme une deuxième partie de la saison 3 que comme un véritable nouveau volet.
Difficile de ne pas faire la (douloureuse) comparaison avec la maîtrise scénaristique de Breaking Bad, ou avec l’intelligente gestion des personnages dans Six Feet Under. True Blood s’enlise dans des schémas artificiellement plaqués, qu’elle tente de dépasser avant même de les avoir intégrés. Et c’est non sans une certaine fatigue que l’on imagine déjà la nouvelle catastrophe vers laquelle court Jason Stackhouse, la énième réconciliation qui entraînera Sookie dans les bras de Bill, et les obstacles qui ne manqueront pas de perturber l’idylle de Jessica et Hoyt. Seul le personnage de Tara semble sortir du carcan, et son départ n’est pas sans faire écho à nos propres doutes : et si nous aussi, nous en venions finalement à quitter Bon Temps ?