"Révolte Jeune". Journal étudiant. Tout un programme. Cette gazette trotskiste-léniniste dénonce les injustices que rencontrent les jeunes, la guerre en Afghanistan, la fermeture de certains services hospitaliers, la discrimination, les suppressions de postes de l'éducation nationale... Tout ça est bel et bon: liberté, égalité, fraternité. D'autant plus que la gazette est distribuée par des étudiants fort sympathiques dont le but premier n'est pas de vendre (ils ne sont pas capitalistes, eux!), mais de rallier du monde à leur cause par un brin de causette. Et si l'on en croit les citations de Lénine, d'Engels ou de Jaurès en en-tête, il s'agit d'informer dans la plus grande vérité: "Le courage, c'est de rechercher la vérité et de la dire" (Jaurès).
Mais c'est là que ça se corse. D'abord, parce que les articles sont truffés d'amalgames. A propos de la déchéance de la nationalité française des émigrés délinquants par exemple, les termes "racisme", "antisémitisme" et "fascisme" sont employé dans un sens aussi bien que dans l'autre; or le racisme est l'affirmation d'une race supérieure sur une autre, l'antisémitisme la discrimination à l'encontre des Juifs, et le fascisme désigne dans ce contexte l'idéologie d'extrême-droite. Allez, à la rigueur, ça reste une erreur de vocabulaire.
Le plus grave, c'est qu'on y parle de loi "vichyste" et que Sarkozy soit comparé à "Hitler-Pétain"! D'accord, supprimer la nationalité française est un geste abjecte, stupide et anticonstitutionnel. Mais amalgamer l'actuel président français à Hitler revient à vulgariser, à banaliser les atrocités de la Seconde Guerre mondiale. Soyons clairs: bien que cette évocation de loi sur la nationalité soit très dangereuse, nous ne vivons pas dans une dictature sanguinaire. Cet amalgame peut minimiser l'horreur indescriptible de la guerre de 1939-1945. D'autant plus que ce journal est lu par des jeunes qui, par manque de connaissance et/ou d'esprit critique, seront bernés: qu'ils diabolisent Sarkozy s'ils veulent, mais qu'ils ne croient pas qu'on a vécu sous Hitler comme on vit sous Sarko. C'est sûr, nous, on n'a pas eu de chance: ne vit pas sous Staline qui veut!
Ce canard joue donc à faire peur. On finit même par se demander s'il ne s'agirait pas d'une parodie de journal communiste. Soucieux de prévenir ses ouailles pour mieux les protéger, le bienheureux rédacteur de la partie "Révélations" peut lire l'avenir. Inquiété par les émeutes de la faim au Mozambique, il prédit que "ce qui se passe au Mozambique va se produire, un jour en France, vu le ras-le-bol du capitalisme destructeur de M. Sarkobush." La situation des deux pays n'ont pourtant rien de commun. Le Mozambique est un des pays les plus pauvres du monde où les habitant qui meurent de faim manifestaient contre la hausse du prix du pain; les émeutes se sont soldées par de nombreux morts et blessés graves. Le ton employé laisse entendre qu'il faut imiter ce qu'il s'est passé en Afrique, car les émeutes sont "prérévolutionnaires".Comparer la France au Mozambique relève du domaine de l'absurde. Mieux vaut donc en rire qu'en pleurer...
Un peu plus loin, l'article sur le plan santé qui consiste à fermer des services hospitaliers et des blocs opératoires part plutôt bien avec des infos et des chiffres précis; il est clair qu'économiser sur le dos des hôpitaux est une aberration. Cependant, le rédacteur se pose une question étrange qui ne semble être qu'un moyen de parler de lutte des classes: de quoi a peur le président pour "faire preuve d'un tel empressement destructif"? Réponse: "Il redoute une explosion de la lutte des classes". C'est donc ça! La conception de ce plan a été guidée par la peur, pour nous opprimer et freiner nos velléités révolutionnaires! Dommage, parce que la dictature du prolétariat, le goulag, tout ça, c'était convivial!