Albert KAHN, découvrir un homme à travers un jardin

Publié le 20 septembre 2010 par Mpbernet

1850-1940. Deux dates pour mieux comprendre l'itinéraire d'un sur-doué passionné de photographie et qui pourtant évite l'objectif avec constance. Imaginons quelle fut la vie de ce garçon né en Alsace et qui fête ses dix ans avec le repli de sa famille en France après la défaite de 1870. Il verra aussi la Grande Guerre, et mourra en novembre 1940, connaissant hélas l'écroulement de ses rêves de paix universelle, auxquels il a consacré une bonne partie de la fortune qu'il a personnellement construite puis perdue.
Issu d'une famille de négociants juifs alsaciens, il entre comme employé à la banque Goudchaux. Puis il fait de brillantes études, ayant pour répétiteur celui qui deviendra un ami très proche, Henri Bergson. Il deviendra le principal associé de la banque, puis fonde sa propre banque en 1898, installée rue de Richelieu. Un des rares portraits qu'on ait de lui le trouve accoudé au balcon de son bureau.
Car pour favoriser la paix entre les peuples, il instaure des moyens originaux de découverte des modes de vie : des bourses de voyage "Autour du Monde" réservées à de jeunes agrégés, l'envoi dans plus de 50 pays de photographes et de cinéastes qui constituent les "Archives de la Planète", une collection unique au monde d'autochromes - les premiers clichés en couleur dont le brevet a été déposé par les frères Lumière en 1903. Il cherche ainsi à établir une encyclopédie visuelle du monde tel qu'il est au premier tiers du XXème siècle, avec une prédilection pour certaines régions : la Chine, la Mongolie, le Japon. Le fonds iconographique compte aujourd'hui 72 000 clichés autochromes, en cours de numérisation et 180 000 mètres de films en noir et blanc.
Albert Kahn avait une autre passion : son jardin. Ayant acquis une grosse maison bourgeoise à Boulogne sur Seine, il agrandit progressivement son domaine, parcelle par parcelle, en créant à chaque fois un jardin d'un style nouveau. Jusqu'à une surface de quatre hectares. Cent ans après, le jardin devenu public est une merveille où l'on passe de forêts (une forêt bleue, un bois de bouleaux et une forêt vosgienne, réminiscence de l'enfance) en jardin français avec ses rosiers grimpants et ses poiriers palissés, où l'homme plie la nature à sa volonté, puis anglais plein de poésie et d'arbres pleureurs, et enfin japonais où trois maisons japonaises ont été transplantées. On le voit ici en compagnie d'amis japonais le visitant dans sa maison de Cap-Martin.
Car toutes les personnalités scientifiques, artistiques, politiques et économiques de l'époque sont venues chez Albert Kahn, et se sont faites photographier. Auguste Rodin, Colette, Manuel de Falla, Anatole France, Anna de Noailles, Rabindranath Tagore, Thomas Mann Marcel Dassault, André Michelin, Auguste et Louis Lumière, Jean Perrin, Paul Appell posent pour Auguste Léon, Stéphane Passet, Léon Guimpel....
Pour une journée du patrimoine centrée sur les hommes et femmes célèbres, cette évocation de l'oeuvre d'un mécène tel Albert Kahn s'imposait. Quelle fut la fin de sa vie, après la falllite de sa banque en 1936 et l'arrivée des nazis au pouvoir en 1933, puis la guerre et la défaite à nouveau. Nul ne songe à l'imaginer.
En tous cas, il ne faudra pas manquer l'exposition de photographies sur le Japon annoncée prochainement. Dans l'intervalle, je vous invite à visiter son jardin à travers quelques vues prises avec mon peitt appareil nulérique par ce beau dimanche de fin d'été ensoleillé.
Musée et jardins Albert Kahn, 10-14 rue du Port à Boulogne-Billancourt, métro Boulogne-Pont de Saint-Cloud. Fermé le lundi. Prix : 1,50€.