Monsieur Joseph virassamy estime que le conseil d’Etat se prend les pieds dans le tapis.
Joseph Virassamy : Mettons que des pressions politiques venues de l’Elysée, du gouvernement ou d’ailleurs aient amené le CE à produire une ordonnance visant à substituer l’expression « collectivité Unique » à l’expression « Assemblée Unique », au motif qu’il s’agirait d’une erreur matérielle dans l’arrêt du 19 juillet. Et la phrase devient
« …la consultation ….qui portait sur la création d’une collectivité unique pour le Département et la Région »
Il convient avant tout de remarquer qu’il s’agit d’une ordonnance du président de la section du Contentieux, qui comporte plus de 9 sous –sections, ordonnance prise du haut de sa seule autorité, alors que ce sont les sous-sections 2 et 7 qui ont étudié l’affaire et produit l’arrêt incriminé. Le Président de la section se contentant d’informer son collègue de la sous-section 2 directement en charge du dossier.
D’où toutes les inconséquences qui seront ci-dessous contées, et qui pointent manifestement la pression politique subie par ce président, lequel modifie à la va-vite, une phrase qui avait tout son sens en une phrase impossible à comprendre.
Car enfin, dans cette phrase revisitée par le Président de la section du contentieux, le mot important est le mot « POUR ». Car il est exactement à l’opposé de l’expression « Une collectivité nouvelle se SUBSTITUANTà… » écrite dans l’alinéa 7 de l’article 73.
Or c’est justement cette expression qui justifie, dans l’esprit du législateur, la nécessité d’obtenir le fameux « CONSENTEMENT » de la population concernée. Le législateur veillait à ce qu’on ne substitue pas, par inadvertance ou par calcul dans le dos de la population, le Département et la Région àautre chose.
Et voici que le CE affirme par ce mot « POUR » la permanence du DEPARTEMENT et de la REGION. Il n’est donc pas question pour le CE d’une quelconque substitution.
Et en effet, la question du 24 janvier ne parlait pas non plus de quelque chose « se substituant à » comme c’est écrit dans l’alinéa 7. C’est bien ce que constate le CE. On n’a donc pas à demander à la population son « consentement » puisqu’on ne substitue rien à rien.
Mais alors, si l’on suit le raisonnement du président de la section du contentieux, qu’a–t-on demandé le 24 janvier à la population ? Au dire de ce dernier, on lui a demandé si elle voulait qu’on crée en Martinique une collectivité Unique, mais certainement pas une collectivité nouvelle « se substituant » au Département et à la Région, comme c’est écrit dans l’alinéa 7 de l’article 73.
C’est, dit le CE, une collectivité Unique POUR le Département et la Région. C’est-à-dire doter ces deux collectivités – qui sont réaffirmées- d’une troisième collectivité.
Dès lors, la question à se poser est la suivante : comment doter deux collectivités existantes d’une autre collectivité, nouvelle celle-là ?
C’est certainement une question intéressante en droit administratif, mais le problèmeest qu’elle n’a rien à voir avec l’alinéa 7 de l’article 73 qui n’a de cesse de réclamer un « consentement » de la population.
Il faudra donc se demandercomment le conseil Constitutionnel - à qui la question reviendra assurément, par QPC ou autre saisine – s’y prendra pour censurer l’absence de « consentement » au cas où la loi ordinaire censée créer cette collectivité viendrait à faire mourir la Région et le Département, dont le CE réaffirme la permanence.
Remarquons de plus que la phrase, telle qu’elle était écrite dans l’arrêt du 19 juillet allait de soi phonétiquement, sémantiquement et politiquement :
- Assemblée Unique pour le Département et la Région, ça sonne bien
- Assemblée Unique pour le Département et la Région, ça veut dire quelque chose
- Assemblée Unique pour le Département et la Région, c’était ce que la population croyait qu’on lui demandait et ce sur quoi les partisans du OUI ont fait campagne.
Mais Collectivité Unique pour la collectivité Département et la collectivité Région, ça c’est un drôle de monstre.
D’ailleurs, quel arrêt le CONSEIL CONSTITUTIONNEL retiendra ? celui du 19 juillet ou celui – hors délai – du 9 septembre ? Vous avez la réponse : celui du 9 septembre sera réputé n’avoir jamais existé.
Car c’est une fable de croire à une erreur matérielle. Le quatrième considérant de l’arrêt du 19 juillet visait la consultation (qui comporte une campagne électorale, le déplacement de toute une population et un vote) et non la question (qui est une succession de mots avec un point d’interrogation à la fin). La consultation a porté sur l’Assemblée Unique, chacun ici en Martinique peut en attester puisque c’est là-dessus que la campagne s’est axée, tandis que la question portait sur la collectivité Unique.
Donc les deuxième et septième sous sectionsde la section du contentieux avaient parfaitement saisi la situation.
Enfin, ultime impertinence, le CE argumentait que la question posée était parfaitement claire, et voici que le CE soi-même se prend les pieds dedans et emberlificote ses écrits avec. Excusez du peu,mais ti Sonson mériterait un siège dans la section du contentieux, place du Palais Royal, en plein Paris.
Décidément, cette collectivité Unique, refusée par 65% d’abstentionnistes, n’en finit pas de périr sous les bonds et les rebonds de la plus haute juridiction administrative française, dont on pouvait penser qu’elle était inaccessible aux pressions politiques et tout juste respectueuse d’appliquer le droit d’un Etat de droit.
Joseph Virassamy