J’ai vécu l’époque post-68 où des jeunes, et moins jeunes, en quantité significative, rompaient leurs amarres et partaient, pour élever des chèvres en Ardèche, d’autres se faisant libraires ou artisan d’art, ou encore ouvrant un petit restaurant de produits du terroir ou bon marché. A l’époque, ces aventures n’étaient quasiment jamais individuelles, mais mobilisaient toujours au moins des embryons de collectif.
Je n’ai pas succombé à cette mode parce que, militant, je pensais qu’il fallait rester dans son milieu et ne pas chercher à aller éduquer les masses à Cuba ou ailleurs…
Un ouvrage, “Eloge de l’apostat”, de JP Martin, (Seuil, 2010) décrit les ruptures dans les vies d’un certain nombre d’écrivains n’hésitant pas à rompre avec leur style de vie antérieur, “ce point de rupture où l’individu se déprend d’un groupe, d’une éducation, d’une idéologie, moment vertigineux de désarticulation, de déconversion qu’est l’apostasie, et le temps nouveau qu’elle ouvre : la Vita Nova”, plutôt que de “Rester fidèle à sa routine, à sa marotte, voire à sa bêtise”…
“L’apostasie se décline de mille façons, intervient à des périodes différentes de la vie, de l’adolescence à la vieillesse. Elle est tributaire des moments historiques mais aussi des caractères, des mythologies et des fantasmes de chacun : en ce sens elle est point de contact, et de contact parfois brutal, entre la “grande” histoire et l’histoire d’un individu singulier”. (non.fiction.fr)
Selon H. James, “il n’existe que deux sortes d’individus. D’abord, ceux qui se veulent à jamais les mêmes, qui se glorifient de n’être nés qu’une fois, qui psalmodient leurs identités, leurs croyances, leurs façons de vivre, de sentir, de penser ; et, en face, ceux qui, soudain confrontés à une idée ou à une situation, se transforment, se retournent, deviennent autres, trahissent ce qu’ils ont adoré comme s’ils étaient, dans une même existence, impatients de se réinventer…”.
Sans oser me comparer à ces grands noms, je fais indubitablement partie des seconds, même si je suis resté plus de 30 ans au PS: à l’époque, c’est lui qui changeait en permanence, avant de se cristalliser en syndicat d’élus au début des années 90, puis pourrir. On m’a quelquefois traité de traître ou rénégat, mais j’ai la faiblesse de penser que j’ai évolué tout en restant fidèle à mes valeurs, quittant des groupes qui dégénéraient et des idées qui devenaient des carcans.
J’ai l’impression que, la crise étant, qu’on le veuille ou non, un moment propice aux interrogations et aux remises en question, ce phénomène renaît, sous des formes différentes, moins idéologiques, plus réalistes, expression d’un ras-le-bol existentiel, d’une vie professionnelle et sa chape de stress insupportables, et frappe maintenant des gens installés rêvant, qui, informaticien, d’une profession libérale tournée autour du Droit, qui, universitaire, d’un petit restaurant, qui, retraité, d’une table d’hôte…
Sciences Humaines y a consacré un dossier: “Le syndrome de la chambre d’hôte” et on y apprend que “chaque année, 2 500 Français créent un gîte rural, une aventure pourtant risquée”.
Choix de solutions individuelles ? Ras le bol d’une société toujours plus pesante et stressante ? Confus besoin de rompre avec des “cadences infernales” pour renouer avec du convivial ? Inconsciente attente d’une décroissance sélective qui, enfin, se tourne vers l’humain ? Luxe de nantis, car les vrais pauvres ou ceux qui crèvent de faim, ou dorment dans la rue, ne peuvent avoir ce type de questionnements ? …
Vraisemblablement un peu tout cela à la fois. Mais de quoi réfléchir…
- Armando étant en vacances, les revues de blogs d’Olivier, les brèves de Pierre, les moines de Leunamme, …
- Le blog des écolos du Pays Niçois.
- Vu chez Olivier : “Berlin : aidez votre quartier, buvez de la bière !”. Wikio. Si c’est le seul moyen pour développer la solidarité, j’en suis.