La France va mettre en oeuvre sa télémédecine... Un début de "réseau social officiel" de santé ?

Publié le 19 septembre 2010 par Anne Onyme

La loi HPST (Hôpital, Patients, Santé, Territoires) a été voté suite au rapport Larcher. On attend incessamment sous peu la publication des décrets d'applications...

La santé coûte trop cher...

Il y a de moins en moins de médecins en France. Avec le papy-boom il va y avoir de nombreux départs à la retraite, et avec le numerus clausus installé en 1971, on forme de moins en moins de médecins : du coup, il y a de plus en plus de médecins étrangers (j'espère que l'on ne va pas renvoyer les médecins roumains - mon kiné pour ma rééducation après mon amputation était portugais..)..  On ferme les hôpitaux de proximité en recentrant sur les établissements médicaux des grandes villes... Donc de plus en plus de déserts médicaux, qui se calquent d'ailleurs sur les déserts numériques.. Et cela va empirer dans le futur proche... Et l'on veut que les Français soient de mieux en mieux soignés...

Je me permets de vous livrer ici quelques élucubrations dominicales à propos de la e-santé (je préfère ce terme plus large à mon sens que celui de télésanté). Gros marché que celui de la santé : 60 millions de "consommateurs" potentiels dans le pays, aux environs de 170 milliards d'€/an de "chiffre d'affaires" (à vérifier)... Chiffre qui va croître dans le proche futur, car on vit de plus en plus longtemps : les populations du 3ème et 4ème âge augmentent.. Il faut s'en occuper (le "lien social" traditionnel coûte cher), et il faut leur éviter autant que faire se peut de lourdes maladies, handicaps, etc...

Pourquoi donc ne pas mettre en réseau social nos professionnels de santé, nos toubibs (200.000 ?), les pharmaciens (70.000 ?), les kinés (65.000 ?), les infirmières (490.000 ?), les tiers payants, - ce qui fait quelques centaines de milliers de personnes- en charge de gérer la meilleure santé possible des Français ? Tous ces braves gens travaillent aujourd'hui en silo, le passage des informations entre silos est compliqué et coûte cher - vu les technologies traditionnelles utilisées - , sans compter les erreurs que cela entraîne...

Voilà une idée qu'elle est bonne ! Un réseau social de santé avec les professionnels et les malades et bien portants ?... Mais, vous rigolez mon cher Billaut !... Vous avez encore fumé la moquette !... Les réseaux sociaux : c'est pas sérieux !... C'est pour les jeunes et pour nos étudiants boutonneux (dixit le médecin chef de mon centre de rééducation qui n'aime pas l'Internet)...En tout cas, le rapport Larcher préconise "des communautés hospitalières de territoire"... Vous avez dit communauté ?  N'est-ce pas l'anti-chambre d'un réseau social ?

Notre Gouvernement veut limiter les dépenses de santé et de personnels... Du coup, quand j'ai eu ma rupture d'anévrisme poplité l'an dernier, le SAMU ne s'est pas déplacé. Il m'a fallu 7 heures pour arriver sur une table d'opération (et on trouve cela normal). Y a-t-il un lien de cause à effet ? Manque de personnel ? Je ne sais.. Mais ce que je sais, c'est que je suis amputé d'une jambe... Passons...

Donc, amputé fémoral depuis 1 an, je m'intéresse beaucoup aux problèmes de santé, de médecine, et surtout d'organisation de la dite santé. D'aucuns diront que je n'ai pas à m'en occuper, vu que je ne suis pas mandarin 1.0, et que je ne fais pas partie de la grande élite gauloise. Que je n'ai qu'à faire ce que ceux qui savent me disent de faire... Mais vous me connaissez.. (l'un de mes amis m'appelle "l'énarque 2.0" - je suppose que dans son esprit c'est un compliment..).. Je ne sais pas trop ce que notre grande élite gauloise va nous concocter comme télésanté... Je me méfie un tantinet (un nouveau plan Calcul ?)... Mais réfléchissons un peu...

POINT 1 : problèmes de génération.

Il y a actuellement en France, comme ailleurs, 2 catégories générationnelles.. Les "analogiques" d'une part, nés avant 1980 (en gros) qui connaissent les technologies analogiques (télévision, téléphone traditionnel, journaux, formulaires papier, déplacement physiques, etc...). Et les "digitaux", nés (en gros) après 1980 et qui ont démarré leur vie avec l'ordinateur connecté au réseau des réseaux. Les digitaux ne raisonnent plus comme les analogiques... Leurs usages sont complétement différents. Mais ce sont les premiers qui vont mettre en oeuvre cette télémédecine.. Une grande partie de la population française, probablement 65% aujourd'hui, a accès à l'Internet. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle est "internet minded". Vous me direz qu'elle va le devenir vu qu'environ 25 millions de gaulois tittillent aujourd'hui les réseaux sociaux...et autres outils du web 2.0.

Bref, une partie de plus en plus importante de la population est acculturée et va s'acculturer aux usages du web 2.0...  Et au fur et à mesure que les analogiques partiront chez Dieu le Père, il ne restera que les digitaux. De plus en plus de secteurs d'activité se réorganisent autour de l'Internet en mode 2.0 : la santé n'y échappera pas...(à mon avis d'ailleurs on ne pourra pas faire autrement)...

POINT 2 : Comment d'autres peuplades sont en train d'essayer de régler le problème ?

Certes, nous sommes une peuplade très intelligente (si, si : les Droits de l'Homme, l'ENA, l'X,.. etc..)... Mais on ferait bien de temps à autres regarder ce font les autres... Or, qu'observe-t-on ?

a/ L'arrivée des grands de l'internet dans le domaine de la santé... Google avec son Google Health, Microsoft Healthvault, Intel, CISCO, GE, etc... Les grands de l'Internet, mais aussi pratiquement tous les opérateurs de télécommunications et autres FAI dans le monde.. Certains Etats aussi s'y mettent, car après tout la santé concerne les Etats. Par exemple, le Gouverneur de Califonie (vous voyez qui c'est ?) vient de décider de mettre en réseau social les malades et les professionnels de santé de son Etat... Le tout sur un réseau de télécommunications à TRES haut débit...


b/ De plus en plus de bidules en mode Wifi et ou 3G sont disponibles sur le marché...Objets qui "observent" votre état de santé en temps réel chez vous ou ailleurs. On a d'ailleurs l'impression que l'on va vers une prévention temps réel des biens portants... qui chaque matin recevront un mail de Google ou autres, mail qui vous apprendra que votre taux de glucose est un peu élevé et qu'il faudrait...

Voir aussi l'excellent topo du docteur Eric Topol ici. On va vers la "wireless medecine" et le "body area network". Certains parlent même de "body computing" .

Un bien portant est en effet un malade en puissance... Et prévenir coûterait probablement moins cher que d'essayer de guérir le bien portant qui sans crier gare va tomber malade un de ces jours.. En tout cas d'aucuns de penser que la "killer app" dans ce domaine est justement la saisie automatique de vos principaux indicateurs de santé - vous pouvez vaquer à vos occupations habituelles - et de les remonter sur une plateforme comme celle de Google Health qui va vous les aggréger et peut-être vous susurrer quelques conseils judicieux...  On est loin là de la notion de "dossier médical" à la française...

ABI Research, société d'études, pense ainsi qu'en 2014 il y aura plus de 5 millions de "wireless health devices" aux USA. Un marché de plus de 4 milliards de $ pour l'industrie américaine. Pour exemple ci-dessous le ZEO, un device wifi qui "calcule" en temps réel la qualité de votre sommeil... Mais il y en a bien d'autres.. Et l'Phone et autres Androïd, et même l'iPad vont probablement être le pivot de cette médecine sans fil que cela soit à la maison ou en mobilité... Ou à l'hôpital...

c/  L'arrivée de nouveaux "médicaments" à base de nanotechnologies et de biologie synthétique. La génomique permet le séquencement du génome humain - mais aussi des animaux, des plantes, etc.. Là, il y aurait beaucoup à dire. Le prix pour séquencer complétement votre génome va tomber d'ici peu en-dessous de 1.000 $. Aujourd'hui vous ne pouvez avoir qu'un "polaroïd" (un échantillonange) pour 300 $. Mais cela ne suffit pas pour faire un diagnostic précis sur votre disposition aux maladies cardio-vasculaires ou autres..  Mais un séquencement complet coûte encore 100.000 $ voire plus. Les nanotechnologies sont aussi de la partie dans le domaine de la nanomédecine, des "labs on a chip" qui vont pouvoir circuler dans votre corps et aller juste là où il faut pour délivrer le médicament qu'il faut...

d/  L'arrivée de bidules robotisés... prothèses diverses, aide à la marche, robot humanoïde d'aide aux 3ème et 4ème âge, etc... (secteur que je commence à bien connaitre, vu mon état)... Là aussi beaucoup de chose à dire... Et il est à noter qu'il a peu de choses dans ce domaine en France à mon avis. Les premières prothèses bioniques arrivent, avec connexion de la prothèse au cerveau... Par exemple Touch Bionics pour une prothèse de main... myomo pour une prothèse bionique de bras... etc...

Conclusions (très) provisoires de l'énarque 2.0...

1/ il me semble que l'on va assister à une convergence de tout cela... Et que les internautes vont y jouer un rôle essentiel... Que l'élite le veuille ou non... Les personnels médicaux traditionnels y ont naturellement leur place... Mais joueront-ils le jeu vu qu'ils ne sont pas très initiés à ce 2.0, que certains ne veulent pas apprendre, considérant que ce n'est pas leur métier ? Et même que la plus grande partie n'aiment pas l'internet, vu que cela permet à leurs patients d'en connaître un bout ? Dans ce cas, ils se feront déborder par la base digitale, et par les grands de l'internet qui eux ont une vision de l'avenir de la santé... Ils vont donc se faire prendre en tenaille...

2/ De plus, de nouveaux usages pourraient s'épanouir sur une plateforme de réseau social de médecine : par exemple mieux prévoir les épidémies..

Il aura aussi beaucoup d'autres usages que les internautes malades ou non vont trouver... Les idées ne sont pas que dans les têtes "de ce qui savent 1.0".. Par ailleurs, les organisateurs de ce réseau social pourraient publier leur API.. Ce qui permettra à nous jeunes e-galopins de fabriquer des tas de services qui viendront renforcer l'attrait de ce type de réseau... pour la communauté non seulement hospitalières comme le propose le rapport Larcher, mais de santé tout court.. Et si ce n'est pas nous qui le faisons, nos compatriotes feront gérer leur santé par Google, Microsoft ou autres... Personnellement je n'y vois aucun inconvénient... (mon poids - je me pèse à intervalles réguliers avec une balance Wifi de Withings - des Français - est stocké sur Google Health... Mon médecin de famille pourrait y avoir accès...Pour l'instant nous n'en sommes tous les deux qu'à la visio.. ce qui est déjà un grand pas).

3/ Comme il n'y a pas d'organismes en France à ma connaissance qui suit tout cela, vous pouvez, si cela vous dit, vous abonner à mon fil twitter ou à mon wall sur Facebook : j'y informe mes followers sur la santé 2.0 (entre autres choses).

Et j'envisage de publier une large étude là-dessus... Et si vous avez besoin d'un conférencier pour vous expliquer tout cela : malgré mon handicap, je recommence à me déplacer avec ma billautmobile aménagée...

Je vous souhaite la meilleure santé possible... Et j'espère que la France rurale (35.000 communes ont moins de 5.000 habitants) aura bientôt la fibre optique. Ce qui lui permettra de gérer sa santé certainement plus facilement, sans couture (seamless) comme disent les consultants...