Validation sous réserves du fichier national automatisé des empreintes génétiques
Par Cédric ROULHAC*
Sur le fond, la Haute juridiction considère que les dispositions visées ne portent pas atteinte au principe de la « rigueur nécessaire » en matière de procédure pénale (art. 9 DDHC) mais elle formule toutefois deux réserves d’interprétation. Celles-ci concernent les conditions dans lesquelles sont recueillies et conservées les empreintes génétiques des personnes intéressées. Premièrement, il appartient selon le Conseil au pouvoir réglementaire, auquel l’une des dispositions renvoie le soin de préciser notamment la durée de conservation des informations enregistrées, de « proportionner » cette durée, « compte tenu de l’objet du fichier, à la nature ou à la gravité des infractions concernées tout en adaptant ces modalités aux spécificités de la délinquance des mineurs » (cons. 18). Deuxièmement, le Conseil indique la façon dont doit être interprétée l’expression « crime ou délit » employée par le législateur dans l’article 706-54 du code de procédure pénale (prélèvement aux fins de rapprochement avec les données du fichier). Celle-ci doit être comprise comme renvoyant à une liste limitative d’infractions figurant dans l’article suivant du code de procédure pénale, également soumis au contrôle du Conseil (cons. 19).
Concernant les autres griefs invoqués par le requérant, le Conseil juge les dispositions conformes à la liberté individuelle du fait des garanties qui encadrent les prélèvements et leur usage par les officiers de police judiciaire (cons. 12). Il estime que manquent également en fait les griefs tirés de l’atteinte à l’inviolabilité du corps humain et au principe du respect de la dignité de la personne humaine, dès lors que les prélèvements n’impliquent « aucune intervention corporelle interne » et sont seulement destinés à l’identification des personnes, sans autoriser l’examen des empreintes génétiques (cons. 13 et 14). Les conditions posées par le texte, et le fait que le ficher relève du contrôle de la CNIL, sont pour le Conseil « de nature à assurer entre le respect de la de la vie privée et la sauvegarde de l’ordre public, une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée » (cons. 16).
Enfin, outre le rejet de griefs portant sur la violation de la présomption d’innocence (cons. 17), ou du principe non bis in idem (cons. 25), la Haute juridiction juge que la liste des infractions qui peuvent conduire à l’enregistrement sur le fichier des traces et empreintes génétiques « est en adéquation avec l’objectif poursuivi par le législateur », que la disposition concernée « ne soumet pas les intéressés à une rigueur qui ne serait pas nécessaire et ne porte atteinte à aucun des droits et libertés invoqués » (cons. 22).
Rappelons que dans trois « arrêts clones » du 17 décembre 2009, la Cour européenne des droits de l’homme avait admis la conventionalité d’un autre fichier, le fichier national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (FIJJAIS), mais avait rappelé la nécessité d’encadrer le fonctionnement ainsi que l’usage de tels fichiers, en particulier s’agissant de la durée de conservation des données (Cour EDH, 5e Sect. 17 décembre 2009, Bouchacourt ; Gardel ; M.B. c. France, Req. nos 5335/06 ; 16428/05 ; 22115/06 – Actualités droits-libertés du 18 décembre 2009 et CPDH 22 décembre 2009).
Conseil constitutionnel, Décision 2010-25 QPC, 16 septembre 2010, M. Jean-Victor C. [PDF]
Actualités droits-libertés du 18 septembre 2010 par Cédric ROULHAC
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* Cédric ROULHAC est doctorant contractuel à l’Université Paris-Ouest-Nanterre la Défense (CREDOF)
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- Complément 1: c’est la première décision du Conseil depuis la nomination de Mme Claire BAZY MALAURIE
- Complément 2: à noter cet extrait du commentaire aux Cahiers du conseil constitutionnel, avec des statistiques actualisées sur le FNAEG (voir aussi le tableau sur wikipédia )
“Depuis 1998, plusieurs réformes ont étendu le champ d’application comme l’efficacité du FNAEG. En raison
de sa continuelle expansion, le FNAEG, qui ne recensait les empreintes génétiques que de 2 100 personnes en 2002, recensait celles de plus de 600 000 personnes en 2007, de plus de 800 000 personnes au 1er octobre 2008 et de 1 257 182 individus au 30 janvier 2010 (972 042 personnes mises en cause et 285 140 personnes condamnées) [Source : site internet de la CNIL]. Il faut encore ajouter 64 774 traces non identifiées.
Pour les besoins de l’instruction de la QPC, le Conseil constitutionnel a demandé des éléments statistiques actualisés au secrétariat général du Gouvernement (SGG). La réponse du SGG a été communiquée à l’ensemble des parties et autorités avant l’audience. Il en ressort qu’au 1er juin 2010, 1 363 704 personnes étaient inscrites dans le FNAEG (313 106 profils correspondant à des personnes condamnées et 1 050 598 profils de personnes soupçonnées). “
- “Objectif: ficher l’ADN de toute la population“, Bug brother (Qui surveillera les surveillants ?), 08 octobre 2009