La semaine dernière, j’étais en déplacement à Angoulême pour remettre les diplômes aux étudiants de l’Enjmin (école de jeux vidéo), plus exactement à ceux qui faisaient partie de la promotion qui porte mon nom ; le genre de truc qui vous rajeunit pas trop. Jordan Mechner était également présent en tant que parrain de la promotion 2008. Pour ceux qui l’ignorent, précisons que Jordan Mechner est le créateur de Prince of Persia. C’est un être adorable, discret, élégant et cultivé. Il adore la France et parle assez bien notre langue. Nous sommes de la même génération (Jordan est né en 1964) et en dehors des jeux vidéo, nous avons en commun une passion commune pour le cinéma mais aussi pour l’histoire, notamment l’histoire des Templiers.
Jordan vit et travaille aujourd’hui à Los Angelès. Il se consacre
actuellement au scénario du film Prince of Persia ainsi qu’à une BD
traitant des templiers. Les marques ont parfois une drôle de destinée.
Créé en 1989, le premier Prince of Persia a été édité par Broderbund.
C’est à l’époque un jeu révolutionnaire, tant par son gameplay que par
la fluidité et le réalisme de ses animations (réalisées avec la
technique de la rotoscopie, ancêtre de la motion-capture). Le jeu a
influencé de nombreux créateurs depuis Eric Chahi (Another World), Paul
Cuisset (Flashback) jusqu’à Toby Gard (Tomb Raider). Après une première
version en 3D, à laquelle Jordan ne participa que de loin et qui fut un
échec, Ubisoft redonnera à la licence une nouvelle aura avec Les Sables
du Temps à laquelle Jordan collabora étroitement. Ce volet sera ensuite
suivi de nombreux autres épisodes sur différentes consoles. Prince of
Persia (POP) est l’une des sagas les plus longues du jeu vidéo, au
même titre que Zelda ou Final Fantasy nées également à la fin des
années 80. Je me suis amusé à compter sur jeuxvideo.com : POP est sorti
sur 18 plateformes différentes ! Jordan a commencé à programmer ses
premiers jeux à l’âge de 15 ans. A l’époque, les jeux vidéo n’étaient
pas encore une industrie. Ils ne s’adressaient qu’à un public
d’adolescents curieux. Il a créé son premier POP de façon très
artisanale, n’hésitant pas à filmer son frère pour créer les
différentes animations du jeu et à mettre son père à contribution pour
la composition des musiques.
Vendredi 21 décembre 2007. Nous arrivons tous les deux à la Gare
Montparnasse, de retour d’Angoulême. Quelques instants plus tard, le
bonnet gris de Jordan disparaît au milieu de la foule qui s’engouffre
dans le métro. De mon côté je prends la ligne 4, puis le RER A. Dans
les wagons et les couloirs bondés à quelques jours de Noël, j’entends
de nombreuses conversations qui tournent autour des jeux vidéo. Les
mots Wii, Mario, DS, reviennent en boucle. Plus de doute : ce Noël
2007, les jeux vidéo sont devenus un loisir de masse. Que de temps
parcouru depuis l’époque du premier Prince of Persia.
Quelque part dans une autre rame, deux gamers devisent avec passion de
leur dernier jeu Assassin’s Screed. Ils évoquent la fluidité de
l’animation, la beauté des décors inspirés par les paysages du
moyen-orient, la filiation du jeu avec Prince of Persia. En face d’eux
un type discret, portant un bonnet gris, esquisse un sourire, le regard
perdu dans ses pensées.
Pour info : A l’occasion d’un numéro spécial bilan
2007, Erwan Cario m’a invité à participer à Silence on joue. Ça se passe
en deux volets que vous pouvez écouter ou podcaster ici et là. Bonnes fêtes et
bon réveillon à tous.
Illustration : Prince of Persia 2 ; The Shadow of the flame, 1994.