Il vous précède de quelques pas, se retourne et vous demande du feu pour allumer le mégot qu’il a à la bouche. Et, comme vous n’en avez pas, il demande à un autre. Et peu à peu se retrouve devant tout le public qu’il regarde à la fois surpris et amusé. Tiens, il va nous lire une blague carambar. Et, d’un mot à un autre, le voilà qui fait l’intéressant. Pour une fois que vous vous arrêtez pour écouter un clochard, il en profite. Il redemande une cigarette et un briquet et vous regarde dans les yeux : « Qu’est-ce que t’as à me regarder ? C’est pas parce que tu fumes pas que tu vas pas crever. »
Je ne vais pas tout vous raconter. Socrate, c’est un miroir. Vous n’avez certes pas envie de lui ressembler mais il vous renvoie votre image : s’il vide une poubelle, il dit avec une belle gourmandise : « C’est à moi ! La propriété c’est ma priorité. » Et cette poubelle remplacera aisément le caddie dans le supermarché puisqu’on consomme pour produire des déchets. Il excelle dans le jeu du dictionnaire et sa poubelle devient son piédestal, son royaume, son dancefloor. L’esprit de Boris Vian n’est pas loin.
Et si vous le voyez mendier, ne vous y trompez pas : c’est lui qui donne.