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Blake et Mortimer t.03: la Marque jaune

Par Icecool

- DOSSIER PEDAGOGIQUE -

La Marque jaune

E.-P. Jacobs

Le Lombard, 1956.

Couverture marque jaune

 DOSSIER  en ligne et téléchargeable  :

Blake et Mortimer t.03 : la Marque jaune Lecture en plein écran :
http://fr.calameo.com/read/000113087739dd5a05112

L’album

Publié à l’origine en planches hebdomadaires dans le magazine Tintin entre le 06 Août 1953 et le 10 Novembre 1954, la Marque jaune est la troisième aventure de Blake et Mortimer, héros créés par le Belge Edgar Pierre Jacobs (1904-1987) dès 1950. Un album de 66 pages sera ensuite publié aux Editions du Lombard en Février 1956. 

La Marque jaune est considérée comme l'album le plus emblématique de la série. Ainsi d'après Claude le Gallo, auteur du Monde d’Edgar P. Jacobs, c’est le cœur de l'œuvre jacobsienne, le « carrefour de son monde".

L’intrigue en résumé 

Depuis quelques temps, un malfaiteur impudent sévit dans Londres, surnommé la Marque jaune en raison de sa sinistre et mystérieuse signature. Son dernier coup d’éclat, le vol de la couronne impériale, met toute l’Angleterre en émois. Les services secrets et Scotland Yard sont sur les dents, craignant que ce ne soit que le début d’actes encore plus graves. Blake et Mortimer sont appelés à participer à l’enquête…

Questionnaire pour les élèves

La couverture d’une B.D. comporte deux messages : l’un écrit, l’autre dessiné.

NIVEAU 1

-   Quel est le titre de cet album ? Quel est le nom de son auteur ? Le scénariste et l’illustrateur sont-ils deux personnes différentes ?

-   Quel est le nom de l’éditeur ?

-   Pourquoi, à votre avis, les mots écrits sur la couverture sont-ils de tailles différentes ?

-   Que représente l’illustration ? (la décrire)

-   Quelles sont les couleurs dominantes de l’illustration ?

-   Quelles informations trouve-t-on à la fois dans le titre et dans l’illustration ? Quelles informations supplémentaires fournit l’image ?

NIVEAU 2

-   Une couverture cherche à suggérer une histoire. D’après cette couverture, imaginez en quelques lignes quelle pourrait être l’histoire racontée dans la B.D.

-   Cette couverture vous donne-t-elle envie de lire la B.D. ? Pourquoi ? En quoi peut-on dire que la couverture est la « vitrine » d’une B.D. ?

NIVEAU 3

-   Essayer de décrire l’atmosphère de cette couverture. Identifiez le lieu de l’action principale. En comparant cette couverture aux précédents travaux de recherches de Jacobs (premiers projets de couvertures), dites en quoi elle est semblable ou différente.

-   Que signifie selon vous le « M », élément visuel central de cet album ?

-   A quel genre littéraire ou cinématographique se rattache selon vous cette couverture ? Expliciter vos choix.

-   Tenter de comprendre en quoi cette couverture a durablement influencé la Bande Dessinée franco-belge ; trouver des exemples d’hommages ou de parodies récents.

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Evolution des différents projets de couverture par Edgar P. Jacobs. 

Lecture et analyse de la couverture 

Couverture mythique de bande dessinée franco-belge d’après guerre, et sans doute du 9ème Art tout court, l’illustration réalisée par Jacobs pour la troisième aventure de ses personnages n’aura pourtant pas était une sinécure. La première idée de l’auteur est de rendre un hommage flamboyant au jeu théâtralisé d’ombre et de lumière du cinéma expressionniste allemand (Jacobs étant également passionné d’opéra depuis sa découverte de Faust à Bruxelles en 1917). L’intégralité de l’album baigne dans une atmosphère policière et fantastique oscillant entre le film noir et le roman à énigme anglo-saxon.

Autour de ces idées, Jacobs réalisera différents projets de couvertures mettant en scène une cité londonienne doublement menacée par un climat orageux et une gigantesque marque planant telle une Epée de Damoclès au dessus de la tête des héros. Un « M » (Maléfique, Mort, Malheur, Malédiction et… Marque) du Mal contre le Bien. On notera également les idées d’opposition entre ciel et terre, bâtiment/monument et humain, couleurs froides et chaudes, lignes courbes et droites : tout concourt à ce que le visuel renvoie inconsciemment - et en particulier au jeune lecteur - les notions de déséquilibre, de folie destructrice et malfaisante. La civilisation et l’état, symbolisés par les monuments officiels (Tour de Londres, Parlement et Big Ben) sont menacés, soit un sentiment de peur généralisée, encore renforcé par l’instabilité du ciel.

Jacobs était un spécialiste des titres intrigants, aux fortes connotations fantastico-policières : citons ici « l’affaire », « le piège », « le secret », « l’énigme » et donc « la marque ». La Marque Jaune est un titre inspiré de la signature du personnage clé du film M le Maudit (Fritz Lang - 1931), signe fatidique représentant la lettre grecque Mu. L’influence du film Métropolis (Fritz Lang - 1927) peut aussi être signalée.

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 Affiche allemande de M le Maudit par F. Lang (1931).

S’étant heurté à la censure et au contrôle des publications pour la jeunesse, qui jugeait ses histoires par trop effrayantes et morbides, Jacobs se vit en outre refuser par Hergé en 1953 un projet de couverture pour le magazine Tintin annonçant la parution prochaine de la Marque jaune : la silhouette vampirique digne de Nosferatu (F.W. Nurnau - 1922) et le pistolet tenu par Blake n’étaient décemment pas montrables ! Jacobs réalisera donc une quatrième version de la couverture, qui sera beaucoup plus sobre et énigmatique, mais n’oubliera pas cette affaire, comme le démontre le 26 Septembre 1953, à l’occasion des sept ans du journal Tintin, le dessin sensiblement référentiel destiné à Raymond Leblanc, fondateur du journal.

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Blake et Mortimer t.03: la Marque jaune

L'ombre de Nosferatu, entre projet censuré (deuxième image ci-dessus), projet publié (troisième image) et desin référentiel...

Couverture policière, la Marque jaune l’est avant tout par son atmosphère de polar : la ville et ses bas-quartiers (Limehouse Dock est une zone d’entrepôts et de docks le long de la Tamise), la nuit, l’éclairage public, la chaussée humide et son duo d’enquêteurs confronté à une menace située hors-champ. Jacobs travaille son dessin en parallèle d’une documentation impressionnante (il se rendra sur place à l’époque pour photographier et repérer les lieux de déplacements de ces personnages) et en particulier des gravures de Gustave Doré montrant la City à l’époque Victorienne. Sherlock Holmes et Jack l’Eventreur hantent encore les lieux et comment, d’ailleurs, ne pas retrouver sur cette couverture dans le duo Blake/Mortimer cet autre couple littéraire mondialement célèbre formé de Holmes et Watson… L’un complémentaire de l’autre, et une main secourable sur l’épaule, comme signe éternel d’amitié.

Couverture affiliée aux genres fantastique et science-fiction, ensuite, car, dans cette menace surnaturelle qui vient pétrifier des personnages déjà plongés au cœur du mystère (la fameuse marque étant à la fois sur eux, derrière eux, devant eux et pourtant invisible à nos yeux de lecteur), seul le futur dénouement apportera un élément de résolution. Là est tout le charme et l’enjeu dramatique de cette couverture : tout y est en suspens et en suspense (Que se passe t’il ? Que signifie cette marque sur le mur ? Que voient les personnages ?) et tout se laisse deviner (Que tient Mortimer dans sa poche ?). Etranges ombres portées, inquiétante scène où l’obstacle surgit du mauvais côté (de la gauche) et stoppe la progression naturelle de la lecture comme de l’avancée de l’enquête (vers la droite, donc). Héros isolés et pourtant jetés dans la lumière, Blake et Mortimer semblent poser dans un décor théâtralisé Hitchcockien, engageant un savant jeu de regards avec le lecteur/spectateur : c’est « fenêtre sur rue » et « psychose du cliffhanger », à suivre en tournant la page (lire http://fr.wikipedia.org/wiki/Cliffhanger_(fin_ouverte)). Un ancrage aussi terrifiant qu’il demeure sans voix, contrastant avec les fameux longs récitatifs jacobsiens…

Album phare de l’œuvre de Jacobs, la Marque jaune est d’abord un chef d’œuvre artistique et visuel : rarement une couverture de bande dessinée, telle une affiche de cinéma, aura aussi durablement influencée les créations postérieures. Tant et si bien que nombre d’auteurs contemporains en livreront des hommages, des parodies ou des citations plus ou moins directs. Pour prendre des exemples relativement récents, on citera ici les premières de couvertures de Baker Street t.1 : Sherlock Holmes n’a peur de rien (P. Veys et N. Barral - Delcourt - 1998) et de Le Chat t.14 : la Marque du Chat (Ph. Geluck - Casterman - 2007), qui sont deux variations humoristiques de l’œuvre originelle. Autre exemple de la notoriété « iconique » de cette couverture : en 2007, le journal Le Monde n’hésite pas à détourner son propre logo, ceci à l’occasion de la republication de l’album, lors du vingtième anniversaire de la disparition d’Edgar P. Jacobs. Les repreneurs graphiques postérieurs de la série, Ted benoit et André Juillard, livreront également divers ex-libris et illustrations hommages à Jacobs, rejoignant ainsi les très nombreux clins d’œil faits à cet univers mythique au sein de plusieurs albums et séries de bandes dessinées influencés par le style ligne claire.

Blake et Mortimer t.03: la Marque jaune

 

Blake et Mortimer t.03: la Marque jaune

La Marque, une image "franco-belge" entre hommage et parodie.

Pistes supplémentaires 

-   http://www.blakeetmortimer.com/spip.php?article24 : page consacrée à l’album sur le site officiel de Blake et Mortimer.

-   http://www.marquejaune.com/index.php?option=com_content&task=view&id=43&Itemid=64 : Sur les traces de la Marque… : cases et photos issues de la propre documentation de Jacobs, enfin mises en parallèle.

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-   http://www.page2007.com/news/videoroll/blake-et-mortimer-la-marque-jaune : site permettant d’écouter l’album dans une version sonorisée.

-   http://blake-et-mortimer.over-blog.fr/0-categorie-10194931.html : croquis et esquisses d’André Juillard.

-   http://blake-jacobs-et-mortimer.over-blog.com : tout sur l’univers de l’auteur.

-   http://www.blakeetmortimer.com/spip.php?article47 : interview sur le thème « Science-fiction et insolite », tirée des correspondances entre Claude Le Gallo et Edgar P. Jacobs (fin septembre 1970), citée dans l’ouvrage Le monde d’Edgar P. Jacobs (Edition du Lombard, 2004).

-   http://emmanuelmailly.free.fr/essaiparent1.htm : exemples de visuels en hommage à la Marque jaune.

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Dossier réalisé par Ph. Tomblaine.

Images toutes ©Editions Blake & Mortimer et Editions Dargaud.


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