Poésie du samedi 8 (nouvelle série)
Chaque découverte (d’un texte, d’un auteur, d’une idée…) m’apparaît comme inaugurale d’un nouveau possible, porteuse d’une extension de mon petit univers personnel, articulation neuve vers le grand Tout l’Univers dont je participe à ma toute petite mesure. C’est comme un nouveau commencement… Et cette notion de commencement, j’en ai trouvé un bel écho dans cette trouvaille toute récente chez l’un de mes bouquinistes préférés (merci Laurent !). On pense bien sûr au Bereschit (qu’on doit plutôt penser comme un « commencement du commencement ») de la Genèse et au prologue de l’évangile de Jean sur le verbe créateur.
Cette Thaïs Cechi de Boë a bien senti le souffle de ce verbe sacré dont elle livre ici comme une palpable mélopée. Je ne sais absolument rien de cette poétesse dont ces Sépales furent tirés à 500 exemplaires en 1963 et dont un exemplaire me parvient via les aléas de la circulation des livres et des gens… Un moteur de recherche bien connu m’apprend qu’un autre exemplaire ayant appartenu à Isaac Stern est proposé à la vente par un libraire américain… Il me plaît d’imaginer que Thaïs est aussi musicienne. Je n’en sais rien. Et puisqu’il en est ainsi, je ne diffère pas davantage son bel énoncé qui efface tout mon bavardage inaugural…
Et tout a commencé par une voix
une voix
lumière des mondes
une voix
jour dans la nuit
une voix
verbe sacré
paroles chuchotées
paroles murmurées
paroles voilées
paroles
paroles
paroles
des mots
des milliers de mots
un océan de mots
vagues et remous
cadences et rythmes
des mots
toujours des mots
et une chaîne de pensées
une voix et toutes les voix
symphonie irradiante
dans la vie à sa vie
amour flammes et laves
premier souffle
ou gémissements
vagissements
halètement
cris et plaintes
sanglots
mer de sanglots
puis la colère
instrument discordant
tout a commencé par une voix
pour des milliers
milliers de voix
accord d’une seule voix
une voix au principe
de toutes choses
une voix
verbe sacré
sacré
sacré
Thaïs Cecchi-de Boë, Sépales. Taninges, éditions Jeune poésie,1963. Préface de Pierre Thée, illustrations de Serge Cecchi. Je ne sais donc rien de cette poétesse ni de son illustrateur, ni de son préfacier… Face au poème du commencement, on peut lire celui de l’asile béni :
Connais-tu l’asile béni
mer d’améthyste
aux tréfonds abyssaux
rythmant le respir énorme
mer d’améthyste
fulgurances d’or
embrasant l’essence
remous éternels
ports départs et retours
mer d’améthyste
éblouissement
et connaissance
amour sublime
incandescent
mer d’améthyste
vérité de commencement
au principe du Verbe
connais-tu l’asile béni