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Barbara ninfa ingrata, cantates de Giovanni Bononcini par Cyril Auvity

Publié le 18 septembre 2010 par Jeanchristophepucek
giovanni batista piazzetta jeune femme tenant masque

Giovanni Battista Piazzetta (Venise, 1683-1754),
Portrait d’une jeune femme tenant un masque
, c.1720-1730.

Huile sur toile, 46 x 36,2 cm,
Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza.

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Cyril Auvity fait incontestablement partie des chanteurs dont la renommée ne cesse de grandir auprès des amateurs de musique baroque. Après un premier récital de cantates et d’airs de cour français autour de la figure d’Orphée (Zig-Zag Territoires, 2007), il nous revient, accompagné par l’ensemble L’Yriade qu’il a fondé en 2003 en compagnie de la violoniste Léonor de Recondo, avec Barbara ninfa ingrata, un enregistrement publié par le label Ramée consacré à Giovanni Bononcini, un compositeur encore assez négligé du début du XVIIIe siècle.

giovanni bononcini
Un rapide survol de la carrière de Giovanni Bononcini (portrait gravé ci-contre) donne l’impression de suivre un des ces infatigables voyageurs qui, tels, entre autres, Matteis, traversent parfois le paysage musical des XVIIe et XVIIIe siècles. Né à Modène en 1670, sa destinée est très rapidement placée sous le signe du mouvement. À la mort de son père, le compositeur Giovanni Maria Bononcini (1642-1678), il gagne Bologne où il poursuit son éducation musicale auprès de Giovanni Paolo Colonna (1637-1695). Violoniste, chanteur, mais surtout violoncelliste, engagé pour ces compétences à San Petronio, puis à San Giovanni in Monte, le jeune Bononcini publie, dès 1685, son premier recueil de sonates en trio, puis compose deux oratorios (1687 et 1688) et quatre messes à double chœur (1688). En 1691, il entre au service de la famille Colonna à Rome, où il crée six serenate, un oratorio et au moins trois (peut-être cinq) opéras. Nommé dès 1697 à la cour de Léopold Ier à Vienne, il séjourne dans la capitale autrichienne de 1698 à 1711, composant beaucoup et gagnant la faveur du fils de son employeur, le futur Joseph Ier, qui devient empereur en 1705. Cette première période viennoise de Bononcini correspond également à la phase ascendante de sa notoriété européenne, puisque ses œuvres sont alors jouées tant en Italie, où elles auront une influence notable sur l’École napolitaine, qu’en Angleterre. À la mort de Joseph Ier en 1711, c’est tout d’abord vers sa patrie que les pas du compositeur le ramènent, puisqu’il s’installe au service de l’ambassadeur d’Autriche à Rome jusqu’en 1719, date à laquelle il s’embarque pour Londres où il est engagé en qualité de compositeur de la Royal Academy of Music. L’engouement pour sa musique, particulièrement son opéra Astarto (1715), est alors tel qu’elle éclipse même les productions de Haendel, et c’est d’ailleurs en Angleterre que Bononcini fait paraître, en 1721, son recueil de Cantate et duetti. Cependant, sa foi catholique pose problème et restreint ses engagements, le conduisant à nouer des relations avec la France, où il passe l’été 1723, avant d’être recruté in extremis par la duchesse de Marlborough, auprès de laquelle il demeure de 1724 à 1731. Cette même année, notre compositeur retourne en France, fait jouer certaines de ses partitions (dont un Laudate pueri) au Concert Spirituel, puis nous le retrouvons à Lisbonne, où il séjourne d’environ 1733 à 1736, date à laquelle il réapparaît à Vienne qui voit deux opéras et un oratorio de sa plume interprétés en 1737. La dernière œuvre connue de Bononcini est un Te Deum, que lui commande l’impératrice Marie-Thérèse en 1741, et c’est dans la capitale autrichienne que meurt notre musicien-voyageur en 1747.

Dans le vaste corpus de 283 cantates légué à la postérité par Giovanni Bononcini, Cyril Auvity et L’Yriade en ont retenu quatre, dans lesquelles la voix est accompagnée par un ensemble instrumental plus ou moins fourni, la brève Quando parli avec la seule basse continue, à laquelle s’ajoutent deux violons dans les plus étoffées Barbara ninfa ingrata et Ecco Dorinda il giorno, pourvues d’une véritable ouverture que le compositeur intitule Preludio. Le programme est judicieusement complété par deux sinfonie extraites de l’Opus 4 (1686), en réalité des sonates en trio assez proches, tant par la forme que par l’esprit, de la musique d’Arcangelo Corelli.

Cyril Auvity
Les cantates proposées partagent toutes une thématique commune, celle de l’amant en proie aux affres de la séparation d’avec l’objet de sa flamme ou désespéré par sa trahison, étant entendu que les nymphes sont des êtres souvent assez légers ; c’est donc une palette de sentiments assez large, de la colère à l’abattement, que doit traduire l’interprète. L’investissement dramatique de Cyril Auvity (photo ci-contre) lui permet de relever ce défi de façon tout à fait convaincante. Aussi à l’aise dans l’invective envers l’ingrate que dans l’expression d’une mélancolie qui ne se départ jamais d’une certaine suavité, le ténor insuffle à chacune des petites scènes composant les cantates beaucoup de vie et de caractère. Chaque pièce est portée avec une belle théâtralité, tempérée par une sobriété dans l’expression dans laquelle il est loisible de voir un héritage de la pratique de la musique baroque française et qui évite tout débordement excessif, malvenu dans une musique pensée pour des auditoires raffinés. La voix est belle, solaire par instants, richement timbrée, avec, en particulier, de magnifiques teintes mordorées dans les passages élégiaques. L’Yriade n’est pas en reste et ses instrumentistes ne se contentent pas d’offrir un écrin, aussi brillant soit-il, au chanteur ; ils instaurent avec lui un véritable dialogue, en déployant un discours à la fois très souple et d’une grande netteté d’articulation. L’équilibre entre dynamisme et sensualité obtenu par cet ensemble fait des sinfonie autonomes ou introductives de petits joyaux raffinés particulièrement délectables. Soulignons, pour finir, que cet excellent travail interprétatif est remarquablement mis en valeur par une prise de son pleine de finesse, qui souligne le caractère à la fois théâtral et intime des œuvres.

Cyril Auvity déclarait récemment, dans un entretien radiophonique, qu’il désirait, après avoir été un excellent serviteur de la musique baroque française, se consacrer maintenant plus régulièrement à des compositeurs italiens. Si le fait qu’un chanteur talentueux décide de prendre des distances avec un répertoire qui n’est pas si bien servi qu’on le croit est toujours un peu triste, la réussite de Barbara ninfa ingrata semble devoir valider la nouvelle orientation qu’il souhaite donner à sa carrière et dans laquelle on ne manquera pas de le suivre.

giovanni bononcini barbara ninfa ingrata auvity l yriade
Giovanni Bononcini (1670-1747), Barbara ninfa ingrata, cantates à voix seule et sinfonie.

Cyril Auvity, ténor
L’Yriade

1 CD [durée totale : 64’55”] Ramée RAM 1006. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.

Extraits proposés :

Barbara ninfa ingrata, cantate pour ténor, deux violons et basse continue :
1. Preludio

2. Aria « Era meglio lasciarmi morire »

3. Alle sue pene intorno, cantate pour ténor, violon et basse continue :
Aria : « Chi mi dà qualche saetta »

4. Ecco Dorinda il giorno, cantate pour ténor, deux violons et basse continue :
Aria « S’io non t’amassi tanto »


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