Les notes animales en parfumerie : entre attraction et répulsion

Publié le 18 septembre 2010 par Bessardv

Dans une culture volontiers adepte des odeurs hygiéniques, les notes animales disparaissent peu à peu du paysage olfactif. Même les parfumeurs semblent se distancer de ces matériaux jugés désuets, fortement liés à la période des grands classiques de la parfumerie et en contradiction avec la culture olfactive actuelle qui fait plutôt dans le consensus mou.

Les notes animales c’est d’abord, stricto sensu, les produits naturels issus d’animaux. Les plus célèbres sont : la civette, le castoreum, l’ambre gris et le musc Tonkin.

Ces produits ne sont presque plus utilisés aujourd’hui. Le chevrotin porte-musc est un animal protégé depuis 1975 et l’ambre flotté devient de plus en plus difficile à trouver en partie à cause de la disparition d’un savoir-faire nécessaire pour sa récolte et surtout d’une diminution de la population de cachalot.

Même si on trouve toujours de la civette et du castoreum, ceux-ci sont de plus en plus fréquemment remplacés par des synthétiques ou des bases et reconstitutions.

Dans la catégorie des produits animaux naturels on trouve également l’absolue cire d’abeilles et l’hyraceum, un produit extrait de l’urine pétrifiée d’un petit mammifère d’Afrique.

Quant au costus, il provient des racines d’une plante et appartient à la catégorie des notes animales d’origine végétale, dans laquelle on pourrait aussi mettre l’absolue Ambrette.

Il existe une quantité d’autres matériaux aux nuances animales : les pendants synthétiques des produits animaux, accords, bases et reconstitutions. Les notes paracrésyl à odeur de cheval et de crottin.  Les notes miellées comme le phenyl ethyl acide.  Des notes anisées épicées comme le cumin. Sans parler des facettes animales de fleurs, comme le jasmin, le narcisse ou le genêt.

LA CIVETTE (VIVERRA CIVETTA)

Le chat Civette, un petit quadrupède africain qui possède des glandes sécrétrices situées près de son anus, communique avec ses congénères en frottant son derrière sur tous les troncs d’arbres qu’elle croise. Elle transmet de cette manière d’importantes informations. Celles-ci concernent principalement des questions de marquage de territoire et de reproduction.

Les messages olfactifs ainsi émis portent loin et durent longtemps.

Voila des qualités qui n’ont pu qu’attirer le parfumeur. D’autant plus à une époque où sa palette le trouvait souvent à cours de substances fixatrices permettant  de donner un caractère moins volatil à ses concoctions.

Pour utiliser cette ressource naturelle, on procède à une extraction par solvant volatil de la pâte obtenue par curetage des glandes de l’animal. Autrefois, cette pâte était envoyée en Europe dans des cornes de zébus. Il n’était pas rare que cette matière soit coupée avec de la banane écrasée (dont elle a un peu la consistance et la couleur) du miel ou même du caca de bébé. Pour détecter les fraudes les parfumeurs en charge du contrôle qualité,  goûtaient chaque lot! Cependant, ce test gustatif n’était efficace que pour détecter l’éventuel ajout de miel…

Aujourd’hui la civette naturelle est presque abandonnée, l’opération de curetage est considérée comme cruelle et certains fermiers maltraitent effectivement leurs animaux. La civette est donc généralement remplacée par des substituts synthétiques qui ont aussi l’avantage d’être moins chers.

Mais la civette qu’est ce que ça sent ?

Dans le paysage olfactif contemporain, sa présence fait l’effet d’une grosse tâche brune au milieu d’une palette pastel : non diluée l’absolue civette dégage une puissante odeur fécale.

Elle a ce côté violemment douceâtre, chaud  et écoeurant des excréments. Son spectre olfactif dans ses diverses dilutions peut évoquer aussi bien le caca de bébé, une haleine fétide, les notes un peu animales/miellées des culottes féminines souillées, ou encore l’odeur oppressante des boues de stations d’épuration séchant au soleil.

En sentant de la civette non diluée on ne peut manquer de s’interroger sur son utilisation dans les parfums. Pourtant l’absolue civette dosée de la bonne manière, ourle les bouquets floraux d’un beau trait sombre et velouté. Crémeuse et mielleuse elle magnifie les notes rosées, vitamine les muguets faiblichons et participe souvent à la signature élégante des chypres et celle sensuelle des orientaux. Elle donne de l’élan, de la diffusion et de la profondeur.

C’est surtout dans les classiques qu’on va la rencontrer même si les marques de niche lui ont offert un certain renouveau.

Quelques pistes pour tester la note civette: JickyMouchoir de MonsieurShalimar de Guerlain, Narcisse Noir de Caron, leN°5, le N° 19 et Coco de Chanel, Joy, 1000 de Jean Patou,Diorissimo de Christian Dior, Magie Noire de Lancôme,Schocking de Schiaparelli, Youth Dew d’Estée Lauder,Aromatics Elixir de Clinique, Y et Kouros d’Yves St Laurent,Bandit de Piguet et ses descendants ; Cabochard de Grès etAramis d’Aramis, Bal à Versaillles de Jean Desprez, Nuit Noirede Mona di Orio, Musc Khoublai Khan de Serge Lutens, Pure Oud de By Kilian, Cologne pour le soir de Maison Francis Kurkdjian.

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