Depuis 2008, la capitale sénégalaise compte quatre hôtels haut de gamme, et un cinquième doit voir le jour d’ici à 2014. Les professionnels s’adaptent à ce surcroît de concurrence.
Le Radisson Blu a ouvert en 2009 sur la corniche. © The rezidor hotel group
La guerre des hôtels de luxe aura-t-elle lieu ? Jusqu’en 2008, la clientèle haut de gamme (tourisme d’affaires principalement) se répartissait entre les deux seuls établissements cinq étoiles de Dakar : le Pullman Teranga (groupe Accor, en plein centre) et le Méridien Président (chaîne Starwood, près de l’aéroport Léopold-Sédar-Senghor). Mais la construction, à l’occasion du sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI, en mars 2008), du Terrou-Bi et du Radisson Blu, sur la corniche, a modifié la donne. Et ce n’est pas tout. L’offre s’enrichira encore d’ici à 2014, avec la réalisation d’un InterContinental construit par le groupe koweïtien MA Kharafi, dans le quartier des Mamelles (nord-ouest de Dakar). « La concurrence va être sévère entre les cinq étoiles », prévient Philippe Colleu, un ancien d’Accor, aujourd’hui coprésident de la nouvelle chaîne d’hôtels de milieu de gamme Onomo.
Optimisme grandiloquent du côté des nouveaux arrivants, prudence mesurée des groupes installés : chacun affine sa stratégie et affûte ses prix. Le secteur du luxe vit principalement de la clientèle d’affaires (95 % pour le Radisson, 80 % pour le Terrou-Bi, par exemple). Et comme le confirme Samuel Berne, le directeur commercial du Radisson Blu, « si un InterContinental vient s’installer… ça peut devenir difficile, bien qu’à court terme nous ne soyons pas inquiets ».
Fort potentiel
Le Radisson, sorti de terre il y a deux ans à peine, financé par la société Teylium du milliardaire sénégalais Yérim Sow, affiche un taux d’occupation de ses 180 chambres de 70 % à la fin juillet. « Nous proposons la nuitée en business class room la plus chère de Dakar, à 200 000 F CFA [305 euros, NDLR], mais notre prix moyen est de 110 000 F CFA », précise Samuel Berne. Réputé pour posséder la plus belle piscine de Dakar, doté de salles de conférences, le Radisson est par ailleurs adossé au Sea Plaza, centre commercial – également financé par Teylium – ouvert depuis juillet dernier, équipé d’un restaurant gastronomique, de boutiques de grandes marques (Hugo Boss, Mango, etc.), d’un bowling et d’un supermarché Casino. Comme les autres professionnels du secteur, Samuel Berne juge que Dakar a un fort potentiel : « C’est un hub avec énormément de passage en provenance de tous les continents. Le climat, la proximité avec l’Europe et les infrastructures sont propices aux séminaires et aux congrès. » La capitale a par ailleurs bénéficié de la baisse d’activité d’Abidjan depuis 2002.
Non loin du Radisson, le Terrou-Bi compte lui aussi profiter de cette plateforme d’affaires. Restaurant gastronomique ouvert en 1985 par Kalil Rahal, auquel sont venus s’ajouter une piscine puis un casino, le Terrou-Bi a vite eu l’ambition de devenir un hôtel haut de gamme. « L’idée a germé en 1999, rappelle le directeur général, Samy Rahal, l’un des deux fils du fondateur. Nous n’avions jamais eu les autorisations. Puis, en 2007, l’Agence nationale de l’OCI [l’Anoci, alors dirigée par le fils du président, Karim Wade, NDLR], à travers l’Apix [Agence de promotion des investissements et des grands travaux, NDLR], nous a permis d’accélérer les démarches administratives. »
Vue sur l’océan
De l’avis de tous, experts du secteur comme consommateurs, le Terrou-Bi est l’offre la plus aboutie. Entre ses trois restaurants, sa piscine, ses trois salles de conférences, ses 112 chambres dont six suites transformables en appartements présidentiels de 135 m2, toutes avec balcon donnant sur l’océan ou sur un jardin, sa plage endiguée, etc., l’établissement se targue d’avoir un taux de remplissage supérieur au Radisson, à 75 % depuis le début de l’année, malgré un prix moyen le plus haut de Dakar (135 000 F CFA). Et l’ambitieuse famille Rahal ne compte pas s’arrêter là. Marina d’une cinquantaine d’anneaux et centre de remise en forme avec sauna et spa sont au programme : « Dans les trois ans, nous allons investir trois milliards de F CFA », confie le directeur général. Il espère ainsi augmenter sa clientèle de loisir, qui représente déjà 20 % de son activité.
Les deux plus vieux établissements de Dakar ont du pain sur la planche : « Le Teranga et le Méridien doivent se mettre à niveau », assure Philippe Colleu. Jugé vieillissant, le Méridien Président va investir massivement pour sa rénovation. Le budget sera bouclé dans les douze mois, et les travaux s’étendront sur un an : « L’investissement dépassera le prix du Radisson », indique seulement Frédéric Mariani, directeur commercial de l’hôtel. En attendant, devant « une offre qui a explosé depuis quatre ans » et la crise financière, le Méridien a dû s’adapter : « Nous sommes en renégociation de nos contrats depuis déjà deux ans, et nos tarifs ont été revus à la baisse de 10 % à 15 %, ajoute le dirigeant. Nous ressentons réellement les effets de la crise économique depuis le début de 2010, les entreprises ont réduit leurs budgets. » Avec l’arrivée des nouveaux établissements, « nous avons d’abord perdu quelques clients, mais en avons retrouvé depuis ». Selon lui, les facilités offertes par le complexe (offres promotionnelles, délais de paiement, etc.) mais aussi la qualité du service expliquent ces retours. Le Méridien, qui possède le plus grand nombre de chambres (360), s’en tire plutôt bien, avec un taux d’occupation à la fin juillet de 75 %.
Remise à niveau
Rénovation et repositionnement : mêmes préoccupations pour le Pullman Teranga, le plus vieil hôtel cinq étoiles de Dakar. La discrétion est de mise concernant le montant des investissements qui devront remettre à niveau l’établissement de 230 chambres : « Une enveloppe importante », indique seulement le directeur général, Vincent Dujardin. « Nous avons par ailleurs revu notre cible », affirme-t-il. Désormais, le Teranga compte se positionner davantage sur la clientèle de séminaires (séjour de plusieurs nuits), ancienne chasse gardée du Novotel (quatre étoiles, également propriété du groupe Accor). À l’inverse, le personnel aérien et les hommes d’affaires en transit seront réorientés vers le Novotel, récemment rénové.
En plein centre, le Pullman Teranga pourrait pâtir de l'éloignement de l'aéroport.
©Accor
« Entre la concurrence, la crise et le changement de positionnement, le Teranga a perdu un peu de clientèle. Avant l’arrivée de la concurrence, nous étions à 85 %, voire 90 %, d’occupation », précise Vincent Dujardin, sans donner son taux actuel. Il reste néanmoins confiant. « Avec les rénovations, et si l’État met en place une vraie politique de promotion du Sénégal, nous devrions nous en sortir. » Surtout, le directeur général du Teranga n’oublie pas l’autre défi qui l’attend : le déplacement de l’aéroport de Dakar à plus de trente minutes du centre-ville, contre une vingtaine aujourd’hui. Situé en plein centre, à deux pas de la place de l’Indépendance, l’hôtel pourrait ainsi voir la clientèle en transit lui préférer des établissements « mieux » situés.