Je m’en vais rêvant par les chemins
Du soir. Les collines
Dorées, les pins verts
Les chênes poussiéreux ! …
Où peut-il aller, ce chemin?
Je m’en vais chantant, voyageur
Le long du sentier…
Le jour s’incline lentement.
« Devant mon coeur était clouée
L’épine d’une passion;
Un jour j’ai pu me l’arracher :
Je ne sens plus mon cœur. »
Et toute la campagne un instant
Demeure, muette et sombre,
Pour méditer. Le vent retentit
Dans les peupliers de la rivière.
Mais le soir s’obscurcit encore;
Et le chemin qui tourne, tourne,
Et blanchit doucement,
Se trouble et disparaît.
Mon chant recommence à pleurer :
« Épine pointue et dorée,
Ah! si je pouvais te sentir
Dedans mon cœur clouée. »
***
Yo voy sonando caminos…
Yo voy soisando caminos
De la tarde. Las colinas
Doradas, los verdes pinos,
Las polvorientas encinas ! …
Adonde el camino ira?
Yo voy cantando, viajero
A lo largo del sendero…
—La tarde cayendo esta—.
«En el corazôn tenia
«La espina de una pasion;
«Logré arrancarmela un dia:
«Ya non siento el corazôn ».
Y todo el campo un momento
Se queda, mudo y sombrio,
Meditando. Suena et viento
En los alamos del rio.
La tarde mas se oscurece;
Y el camino que serpea
Y débilmente blanquea,
Se enturbia y desaparece.
Mi cantar vuelve a plaisir:
«Aguda espina dorada,
Quién te pudiera sentir
En el corazôn clavada».
(Antonio Machado)