17 septembre 2010
Septembre, mois maudit
Merci papa. Tu m'as quand même légué un goût atavique pour l'aventure et le non-conformisme. J'espére pour ma part que, lorsque mes fils me rejoignent à bord, ils développent aussi, quelque part, inscrite dans les basses couches du système, cette envie de tenter autrement, de voir ailleurs et de ne pas laisser emprisonner leurs rêves par une bulle factice de sécurité soporifique. C'est le seul enseignement qui me semble vraiment vital. Pour le reste, ils se démerderont à leur façon, avec et entre les règles de leur société, vivront, se tromperont et finiront en poussières d'étoile comme leurs prédécesseurs. Rien de bien neuf. A l'approche de cet anniversaire maudit où ton fantôme sera plus présent que jamais et dont tu seras bien-sûr, l'invité d'honneur, cher père, j'avance à taton car, généralement, à cette période, tout se met à déconner. Septembre 2009: ma vie de couple implosait. Pour marquer le coup, je me soulageait de cette supercherie en balançant mon alliance à la flotte, afin qu'elle trouve une place adéquate, ailleurs qu'à mon annulaire, quelque part dans la vase, parmi les déchets et les poissons creuvés du port dégeulasse de Tanger. Septembre 2008: Après deux mois lumineux de transat speedée entre Panama et Hyeres, puis, de cette quinzaine en Corse avec femme et enfants, Galapiat se retrouvant à terre, dématé, le piètre bricoleur que j'étais alors, revenait brutalement aux dures réalités pratiques, et ne voyait pas du tout comment venir à bout des travaux à accomplir avant le départ. Septembre 2007: La rentrée professionnelle s'annonçait comme un cauchemar. En retard sur « le chiffre » et en panne absolue de motivation, je rasais les murs et trompais mon anxiété en regardant les annonces de voiliers à vendre plutôt que de me concentrer sur les affaires à « closer ». Je pourrais continuer à remonter le temps à l'avenant. Tous mes Septembre furent au mieux nuageux, le plus souvent calamiteux. Cette année, ça à l'air de se passer moins mal que d'habitude. Mon conditionnement pavlovien saisonnier me taraude pourtant: confiance en berne, cauchemars, à l'affut de ce qui va foirer. Je sais désormais que la meille
Comme premier rappel à la prudence, cette navigation musclée depuis Rio vers Buzios, de seulement 80 milles, première étape de la remontée vers le nord. Vent et courant sont d'est, à l'exact opposé de notre cap. Un allemand a tenté sa chance deux jours plus tôt mais après moins de 10 milles en 7 heures, il s'est résigné à revenir à Rio, penaud. Les autres voileux attendent des conditions plus favorables, moi non. Après 3 mois quasi-stationnaire à ne faire que des ronds dans l'eau, je trépigne. Sur le papier, les conditions sont mauvaises mais pas trop fortes. Je préfère du près laborieux à l'attente de la renverse ou, pire que tout, la pétole et le moteur. Bernard a envie de voir ce que Galapiat a dans le ventre. Quant à moi, j'ai besoin de me remettre dans le bain avec une bonne naviguation brutale. En fait d'être soutenues, les conditions sont franchement raides à cette allure. Un ris dans la GV au sortir de la baie de Guanabara, puis très vite, deux. Génois roulé de moitié et trinquette pour serrer le vent au plus près, le vent ne cesse de monter de 20 à bientôt 30 noeuds. La mer désordonnée et cassante ainsi que le fort courant contraire nous obligent à tirer des bords pénibles, d'angles désespérant. Cirés et bottes de rigueur pour la première fois depuis longtemps car ça mouille. On hésite à revenir mais non. Hors de question. Le bateau est très sollicité? Rien à foutre. Il est taillé pour ça. Bernard me demande si j'ai une cisaille à haubans à bord. Penserait-il à un éventuel dématage?
La toute première vague à nous rincer me prend par surprise alors que j'immortalise Bernard devant sa salade sur fond de pain
J'aime bien naviguer avec Bernard. Circonspect mais jamais peureux, il assure les manoeuvres avec méthode, a envie de pousser la bête tout en étant respectueux du matériel. il privilégie laprudence à la témérité désordonnée des inconscients.Il me fait confiance et fronce juste légèrement les sourcils de curiosité quand je choisis une option plus osée que celle qu'il aurait prise. « Alors? Il marche bien ce bateau? » je lui demande. Guère expansif, sa réponse est sans équivoque: positive. Le plan d'eau n'est heureusement pas affecté par la houle mais les fortes rafales sifflent dans le gréement. Mouillage d'attente maintenant, joli, mais vu le vent, nous n'en profons pas. Le mousqueton du bout qui soulage la chaine explose sous la tension pendant le café du matin suivant. Décidément, rien de grave, mais mis bout à bout, les signes s'accumulent. J'aurais peut-être
Fenêtre favorable enfin pour Buzios. Mer formée, pas à peu de vent d'abord, moteur. Puis un peu d'air enfin. Lorsque je déroule le Génois en entier, gasp! Un tube de mon enrouleur est brisé net, probablement pendant la brafougne de notre navigation précédente. Génois alors à moitié roulé, je n'avais pu m'en rendre compte. Grosse tuile. Septembre de merde, sans exception à la règle. Pour l'avoir déjà bricolé x fois, je sais que Profurl ne produit plus ce vénérable P52, donc aucune chance de remplacer la pièce. Bernard suggère de racheter et se faire envoyer un enrouleur neuf. Pardon? 3 semaines de délai au moins, un bon 3000 euros + le port, assaisonné des 50% de droit de douane brésiliens, Niet! Allons réflechir aux solutions autour d'une caipi. Le guide n'a pas menti. Buzios, le « St-Tropez Brésilien », ex-village de pêcheur devenu à la mode dans les années 60
Le gérant du Iate Club do Buzios dont nous avons pris une bouée la veille nous prend en sympathie. Non seulement, il nous fait graĉe du prix de la nuit mais en plus, nous présente à son responsable d'atelier, afin que je lui explique mon problème et ce dont j'ai besoin pour réparer. 5 mn plus tard, j'ai trouvé le tube alu de mes rêves et m'y attaque à coup de disqueuse. Bernard demeure un peu sceptique mais, à la fin d'une solide journée de travail, nous avons démonté, remonté l'enrouleur après avoir rabouté le tube cassé à l'aide d'un manchon exterieur usiné avec les moyens du bord pour le mettre à dimension et solidarisé par un mix soudure à froid et rivets pop.Je ne peux affirmer avec certitude que cette infâme bidouille tiendra mais je suis très satisfait de cette réalisation express et relativement propre. Ne reste plus qu'à installer le bas étai larguable, l'accastillage ad hoc, afin que, en cas de nouvelle casse, on puisse se passer du Génois et envoyer imédiatement le yankee endraillé, à l'ancienne. On peut continuer. Septembre, va te faire f...... Tu ne m'auraspas comme ça....