Que vous soyez habitant de notre beau Rio, de préférence du côté d'Ipanema, ou voyageur de passage, en train de flâner dans les rues agitées du quartier le plus couru de la
Cidade Maravilhosa, vous n'avez pas pu le rater, tant sa masse imposante attire l'oeil, à l'angle des rues Teixeira de Melo et Barão da Torre. Cet édifice à l'architecture résolument moderne, fait de béton, d'acier et de verre, composé de deux tours de respectivement 65 et 30 mètres de hauteur, reliées entre elles par une passerelle de près de 50 mètres de long, c'est le nouvel
ascenseur de Cantagalo. Inauguré en grandes pompes en juin dernier par la fine fleur de l'establishment local (le gouverneur de l'Etat de Rio,
Sergio Cabral, et le maire de la ville,
Eduardo Paes, entre autres), il permet dorénavant aux quelques 12.000 habitants de la communauté éponyme d'accéder à leurs domiciles plus aisément, sans emprunter l'ancien et abrupt escalier qui était jusqu'alors le seul chemin menant "
ao topo do morro" (au sommet de la montagne). Mais si cet ascenseur, dont l'édification a coûté -officiellement- la modique somme de 52 millions de R$ (!), est un plus indéniable pour les
favelados de Cantagalo, on peut néanmoins sérieusement s'interroger sur les véritables bénéficiaires d'une telle "oeuvre", quelque peu grandiloquente : ne seraient-ce point plutôt les promoteurs immobiliers des alentours (où le m² se négocie déjà à des niveaux élevés) qui voient leurs prochains projets se valoriser sensiblement, ou les politiques en place, qui présentent à leurs "clients" (que cela soit leurs électeurs, qui doivent se prononcer très prochainement, ou les membres de la FIFA ou du CIO, impressionnés par la magnificence du bâtiment et rassurés par les moyens déployés pour garantir une Coupe du Monde de football et des Jeux Olympiques paisibles) une "vitrine" dont le budget aurait certainement pu être divisé par dix si l'on s'était attaché à construire un ascenseur seulement "utilitaire" (ie dont le seul but aurait été d'acheminer les habitants jusqu'à chez eux). Et puis il fallait bien qu'en cette année d'élection, quelques projets, si possible emblématiques et ostensibles, issus du fameux PAC (
Programa de Aceleração do Crescimento, Programme d'Accélération de la Croissance), voient le jour, pour légitimer l'action de l'ex-Ministre de la Maison Civile en charge de ce plan gouvernemental...en l'occurence l'actuelle candidate du PT à la présidentielle d'octobre,
Dilma Rousseff. Et l'ascenseur de Cantagalo, comme le Complexe des Sports de Rocinha (nouvellement inauguré également), en fait partie...
Quoiqu'il en soit, votre serviteur a pu quand même apprécié le côté "accueillant" des lieux, avec en particulier un M
irante (point de vue panoramique, à 65 mètres de haut) qui offre une vue assez impressionnante sur une bonne partie de la Zona Sul : la plage d'Ipanema au sud, la Lagoa à l'ouest, et les modestes habitations de la favela (sur-exposées au vu et au su des "voyeurs chics" du quartier -dont je fais partie) au nord. A n'en pas douter, voici l'une des nouvelles étapes "touristiques" que les habitants et visiteurs occasionnels de Rio inscriront prochainement (ou dès aujourd'hui, le dimanche étant déjà une journée de trafic intense de badauds étrangers à la communauté...) à leurs agendas ! Et ce de surcroît qu'avec l'installation de l'UPP (les forces de polices dites "pacificatrices") de Cantagalo en décembre dernier, la sécurité est garantie dans le lieu. Ce qui, ne boudons pas notre plaisir, est quand même une grande avancée, d'abord pour les habitants de la favela !
Ci-dessous quelques photos, prises depuis l'entrée du "monument", ou depuis le
Mirante (poétiquement baptisé
Mirante da Paz -Point de vue de la Paix)...
L'ascenseur de Cantagalo vu de la Rue T.de Melo
La plaque du Mirante
Vue sur Cantagalo
Vue sur Lagoa - les "Deux Frères"
Vue sur Ipanema