Pour ce faire, direction le métro de Cantagalo, à 400 mètres de chez moi. Lecture du Lance ! du jour, bien entendu, et descente à la station Uruguaiana, dans l'agitation frénétique du quartier du Saara, où les harangues des commerçants rivalisent de barulho avec les porte-voix des candidats aux postes de députés d'Etat lors des prochaines élections.
Je poursuis dans la rue Uruguaiana jusqu'à traverser l'immense avenue Presidente-Vargas, la plus grande artère de la ville et son chapelet ininterrompu d'autobus, de taxi, de voitures particulières ou de camelots. Au loin, c'est l'imposante façade de la plus grande église de Rio, Nossa Senhora da Candelaria, que l'on aperçoit.
NS da Candelaria, depuis la Presidente-Vargas
Au bout d'Uruguaiana, je prends à gauche l'avenue Marechal-Floriano, avant de déboucher dans la Rua da Conceição. Déjà, l'ambiance change, les trépidations du Centro suractif commencent à s'atténuer, et je découvre les premiers sobrados, les petits immeubles coloniaux sur 2 étages très typiques de l'architecture lusitanienne du XVIIème et XVIIIème siècles. On s'y affaire d'ailleurs, la peinture y est fraîche et les couleurs éclatantes.
Rua da Conceição
Peinture en rappel : tudo bem !
Au bout de la Rua da Conceição, c'est le début de la petite ascension sur le morro, par la Ladeira Pedro Antonio.Le morro da Conceição, c'est la genèse de Rio, le premier quartier véritablement habité par les conquistadores portugais, à partir de la fin du XVIème siècle. Le miracle, c'est que celui-ci ait résisté aux fureurs urbanistiques des XIXème et XXème siècle, qui ont emporté dans les limbes une grande partie du Centre Historique (ainsi les quartiers du Castelo et de Santo Antonio, construits sur de petits monts, également, et rasés sans rémission pour y consacrer le règne des marchands et des entrepreneurs). Conceição, de son côté, conserva ses sèches (mais courtes) montées et fut toujours un refuge exclusivement résidentiel. Il est ainsi l'un des rares morros de la ville qui n'ait jamais hébergé de favelas, même si, et jusqu'à un passé récent, la plupart des maisons étaient très dégradées. Voici une dizaine d'années, le quartier entama néanmoins sa mue, par un long et encore inachevé processus de restauration des centaines de sobrados qui rendent si singulière la visite de Conceição.
Les maisons rénovées sont maintenant plus nombreuses que celles délabrées, surtout dans les deux artères principales du morro, la rue Jogo da Bola et la rue Eduardo Jansen. Le plus saisissant, c'est le calme serein des lieux, le bruit des rires des enfants au sein de l'école du quartier, le chant joyeux des oiseaux ou les aboiements rauques d'un chien chafouin, tous ces sons qui n'ont pas droit de cité quelques dizaines de mètres plus en contrebas, quand on est plongés dans la fureur des avenues Rio Branco ou Presidente-Vargas.
Au sommet du morro, sur la place Major Valô trône la Forteresse de Conceição, édifiée au début du XVIIIème siècle et qui abrite encore aujourd'hui des militaires somme toute plutôt sympas, à qui je fais um abraço, s'ils me lisent et s'ils se voient (comme je leur ai promis !).
Fortaleza da Conceição
Abraços, campeões !
La vue sur le quartier de Saude et plus loin, le pont de Niteroi vaut la petite suée de la montée de la ladeira ! Plus en contrebas, c'est la charmante église São Francisco da Prainha que je découvre, près de la place du même nom, sur laquelle ont régulièrement lieu des rodas de samba interprétées par des artistes "locaux". Il me faudra absolument venir, un prochain vendredi, pour profiter des ambiances nocturnes de Conceição (Jim et Anne-Marie, mes amis de Montréal et cariocas de coeur, m'en ont suffisamment parlé et m'en voudraient que je ne me décide pas !)...Il me faut maintenant entamer la descente vers Rio-la-moderne : j'emprunte la ladeira do João Homem, peut-être finalement la plus jolie rue du morro, au sein de laquelle s'enchaînent et s'emboîtent de superbes sobrados multicolores. Les couleurs auriverde d'un Brésil uni vers un hypothétique hexa (en 2014 ?) y sont dignement représentées.
La visite s'achève par la rue Sacadura Cabral, la principale artère de Saude, et je tombe sur le fameux Kalesa Lounge, qui ne paie pas de mine mais offre paraît-il parmi les meilleurs nuits de Rio pour les amateurs de musique électronique...
Je sors de cette visite hors du temps avec un vrai sentiment de plénitude et de sérénité, me disant que oui vraiment, Rio est la ville de tous les contrastes, et que oui, définitivement, j'ai passé en ce mercredi doucement ensoleillé une journée de rêve...