François Bachelot (Dir.) : Le Guide Hachette des vins 2011.
J’ai eu la chance d’être invité début septembre à la soirée de lancement du dernier Guide Hachette, un plaisir que je n’allais pas bouder, mû tant par un intérêt hédoniste qu’un intérêt de nature plus sociologique. Et le déroulement de la soirée me donna de quoi alimenter les deux !
Je passe les tentatives de nombreux pique-assiette qui font (discrètement, mais sérieusement) le siège de l’entrée pour tenter de grappiller une invitation surnuméraire, voire se faufiler en douce à votre bras… Mais bon, ce doit être le lot de toute manifestation un peu d’envergure où il est servi gratuitement à boire et à manger. Et là, au vu de la notoriété et de la qualité de certains vins servis, avec un buffet à l’avenant, leur absence eut été surprenante. Mais allons à l’essentiel, les vins primés et ceux, très très nombreux, servis à une assistance non moins nombreuse.
Pendant les discours et la remise des prix : une salle encore déserte, des bouteilles
qui attendent sagement, telle une armée au garde-à-vous prête à livrer bataille.
Trois vins ont en effet été plus particulièrement mis à l’honneur. « Grappe de bronze », le Saumur-Champigny Clos des Châtins 2008 du Domaine de Nerleux m’a plutôt laissé de marbre. Je n’ai pas osé le dire, craignant sans-doutes que quelque nerleux (loups noirs en ancien français) ne me le fasse regretter. L’alcool et l’élevage dominaient trop à mon goût, d’autant plus que j’ai trouvé beaucoup plus de vivacité et de complexité sur d’autres vins de la Loire, par exemple le Saumur du Château d’Eternes.
Poursuivons, je n’ai pas vu la couleur de la « grappe d’argent ». Le Gewurztraminer grand cru Zinnkoepflé 2008 de Jean-Marie a été pris d’assaut. Si j’en juge par son Gewurtz VT 2007, aux fins arômes de miel à la rose, de litchis et d’abricots confits, avec un bel équilibre sucre / acidité, cela aurait valu la peine. Mais on ne peut pas jouer des coudes à chaque stand. D’autant plus que j’ai eu la chance d’attraper le graal de la soirée, la « grappe d’or », soit un Richebourg 2008 du Domaine Gros Frère et Sœur. Cette famille a bien de la chance de posséder une parcelle sur un tel terroir depuis plus de 120 ans, et bien du tallent pour en faire un aussi magnifique vin. Fruits noirs, sous-bois, truffe, arômes fumés, tout se fondait avec beaucoup d’harmonie.
Gros rimait avec Graal, tant les quelques bouteilles présentes furent prises d’assaut.
Une quête largement récompensée par ceux qui ont pu l’approcher (le vin, mais aussi
Bernard Gros, évidemment très demandé).
Mais revenons sur l’aspect plus sociologique de la soirée, visible pour moi autour des stands des Bordeaux. Là également, je n’ai pas vu la couleur de nombreux vins, les Sauternes en particulier, qui ont été littéralement dévalisés. J’ai également sacrifié (et oui, que ne ferais-je pour mes lecteurs, mais rassurez-vous ça n’a pas été trop dur) à quelques étiquettes connues, telles La Lagune, Pichon-Longueville Baron ou encore Latour-Martillac (je n’ai pas été assez rapide pour les autres célébrités…), puis je me suis tourné vers des noms moins connus.
On les repérait aisément, sans même voir les étiquettes : les bouteilles restaient désespérément pleines ou presque, la foule leur tournant littéralement le dos pour se marcher sur les pieds devant les flacons précités. Et pourtant, ce fut pour moi l’occasion de belles découvertes, d’autant plus que les vignerons étaient présents et disponibles pour des échanges sans fards. Je citerais plus spécifiquement le Château de Monteberiot en Côtes-de-Bourg, avec une cuvée « la Part des Fées » 2007 fruitée, délicatement boisée et légèrement minérale. Ainsi que le Château Langoiran en Premières Côtes de Bordeaux, cuvée « La Gravière » 2007, il offrait un mélange gourmand de fruits rouges aux parfums délicatement grillés. Deux vins qui montrent que Bordeaux a beaucoup à offrir à des prix très intéressants. Mais je crains fort que ce qu’on peut observer à ce type de soirée ne se reproduise dans les FAV et plus généralement dans toute vente, contribuant à scinder davantage les deux mondes qui se côtoient mais ne se mélangent pas à Bordeaux.
Et le guide ? Qu’en dire qui n’ait déjà été dit ailleurs, en éloges comme en critiques ? On peut lui reprocher son côté « mainstream », mais aussi apprécier sa couverture très large avec quelques 10.000 vins sélectionnés sur 35.000 goutés. On peut lui reprocher de rester très conventionnel, et en effet je n’y retrouve pas bon nombre de mes vignerons favoris, mais aussi apprécier qu’il fournisse des repères fiables à la grande majorité des amateurs. Celui qui souhaite sortir des sentiers battus peut toujours compléter avec le Carnet de Vigne Omnivore, dont Hachette sortira la 3ème édition en octobre. On ne peut par contre pas lui reprocher un manque d’innovation, puisqu’il s’accompagne notamment de nombreux développements numériques, dont des applications i-phone.
Le Guide Hachette des vins 2011. François Bachelot (Dir.). 1408 pages. Editions Hachette. 2010. 27 €.