Dans un communiqué publié hier ici l'Union syndicale suisse (USS) s'inquiète de l'appréciation du franc suisse par rapport à l'euro. Elle somme la BNS, Banque nationale suisse, d'intervenir massivement pour affaiblir le franc et l'Etat d'intervenir pour empêcher la spéculation sur les devises.
Elle estime que le franc est surévalué de 10% par rapport à la monnaie européenne. Sur quoi se base-t-elle pour affirmer cela ? Mystère. La parité, selon elle, devrait se situer à 1,45-1,50 franc pour un euro. Autant dire que l'USS prend ses désirs pour des réalités... Bien malin qui peut dire en effet, sinon à un instant donné, quelle est la bonne parité entre deux monnaies, compte tenu de tous les paramètres fluctuants qui sont en jeu !
Sur la base de simulations économétriques, qui, j'espère, sont plus fiables que les modèles climatiques, l'USS ne voit que les seuls inconvénients d'une monnaie forte. Un franc fort trop longtemps (sic) provoquerait des dégâts dans l'économie, notamment dans l'industrie d'exportation et le tourisme. Elle ne voit pas que tous les produits de base que la Suisse achète pour les transformer baisseraient d'autant.
Entre la Suisse et l'Union européenne les échanges sont en faveur de cette dernière. La Suisse importe davantage depuis la zone euro qu'elle n'exporte vers elle ici. C'est même cet excédent commercial dont la Suisse devrait davantage se servir dans ses négociations bilatérales. En tout cas, avec un franc suisse fort, un certain nombre de produits achetés en euros devraient baisser en Suisse.
Comme de juste l'USS s'en prend à la spéculation qui se ferait sur le dos des travailleurs et des travailleuses. L'organisation faîtière syndicale n'a rien compris, ce qui n'est pas étonnant, aux lois du marché. Si les acteurs sur le marché des devises achètent des francs suisses et vendent leurs euros, c'est qu'ils n'ont tout simplement plus confiance dans ces derniers et qu'ils tentent pour eux-mêmes et leurs clients de préserver leurs billes.
Pourquoi n'ont-ils plus confiance ? Parce que l'euro est la monnaie de pays en pleine déroute. Ils sont surendettés. Leurs déficits budgétaires sont abyssaux. En refusant de diminuer drastiquement leurs dépenses publiques, en faisant même le contraire, ils continuent de s'enfoncer. Ils ne se donnent que deux échappatoires : l'augmentation des impôts (dans ce but, par exemple, la France fait une chasse vaine et dérisoire aux niches fiscales) et... la planche à billets.
L'USS demande en premier lieu à la BNS d'intervenir sur le marché des changes. La BNS l'a fait au premier semestre de cette année. Mal lui en a pris puisqu'elle a perdu 14 milliards de francs avec ses interventions directes sur ce marché ici. L'euro s'est alors un peu redressé pour, plus tard, repiquer du nez de plus belle et passer en-dessous de la barre de 1,30 franc pour 1 euro.
En prévoyant, cet après-midi, un ralentissement économique en 2011 ici la BNS a redonné momentanément des couleurs à l'euro... Mais elle n'a pas cédé à la tentation de modifier à la baisse la fourchette de son taux directeur à trois mois, qui est déjà très bas (entre 0 et 0,75%). On sait le danger que représente la création de monnaie excessive due aux bas taux d'intérêt, du fait qu'elle ne correspond pas alors à de l'épargne réelle et favorise les bulles.
Pour l'USS en dehors de l'Etat point de salut. Or l'Etat, pour ces gens-là, n'a qu'un rôle, celui d'intervenir. En l'occurrence il s'agit de taxer les transactions financières, de réglementer les interventions des banques sur le marché des devises, de financer par l'Etat les exportations en accordant aux exportateurs des taux de change plus avantageux que ceux du marché. Autant de mesures qui faussent le dit marché.
Ce n'est pourtant pas en cassant le thermomètre, ou en le trafiquant, que l'on fait tomber la fièvre. Au contraire, c'est le meilleur moyen de perdre ses repères...
Francis Richard