La crise est là : il faut faire des économies. Ce sera un mauvais moment à passer, mais il faut remettre un peu d’ordre dans nos finances. Heureusement, nous avons une fine équipe aux commandes, et déjà, des plans courageux de remise en forme de notre budget apparaissent. Remise en forme ? Que dis-je ! C’est bien de body-building acharné qu’il faut parler, avec fitness et natation trois heures par jour minimum, pour faire disparaître les bourrelets disgracieux de l’État et lui rendre la forme olympique qu’on lui connaît !
Cependant, à en croire la presse spécialisée et une bonne partie de l’opposition, on frise l’overdose : le risque de claquage budgétaire n’est pas à écarter devant tant de coups de rabots vigoureux sur un budget déjà taillé au millimètre pour rentrer dans les normes strictes qu’on s’impose lorsqu’on est en cure. Ainsi, pour le PS, la crise est peut-être finie, mais il ne faudrait pas oublier les arrosages précis et efficaces qui eurent lieu ces derniers mois et dont le succès flamboyant n’est plus à démontrer.
Mais le pari est lancé, le but est clair : on ne va pas se dégonfler maintenant, zou, on y va, en petites foulées, il va falloir économiser.
Christine Lagarde (qui vit de l’impôt) a donc sorti sa petite calculatrice, aidée en cela des experts de Bercy (qui vivent de l’impôt) et des nombreux conseillers (qui vivent de l’impôt) qui l’entourent et lui fournissent de précieux renseignements pour piloter correctement le Navire France dans les eaux tumultueuses d’une relance épique.
Les conclusions sont unanimes et cohérentes : on ne va pas vraiment diminuer les impôts, et pour ce qui est des économies, on va faire, accrochez-vous bien, près de pardon plus de disons au moins ou autour de quarante milliards d’euros. Oui, je le répète, quarante milliards d’euros d’économies, ce n’est pas rien mes chers enfants, on y va carrément, c’est du lourd, du sans concession.
Et comme le dit Christine, pas question de limiter la rigueur à quelques niches : ce n’est pas une petite lime à ongle qu’on va passer sur le budget, mais elle va, nous apprend-elle, utiliser toutes les lames de son couteau suisse.
Et pour le budget de l’année prochaine, cela se traduira donc par une diminution du déficit dans des proportions assez gigantesques, puisqu’on parle donc de ces 40 milliards de réduction des déficits. Ça claque, hein, on sent que ça rigole moins dans le fond.
On veut une forme olympique ou pas, après tout.
40 milliards. Retenons ce chiffre.
Et puis, pour rire, jouons avec les grandeurs : nous avons donc un petit 150 milliards de déficit pour cette année, un peu plus de 1500 milliards de dettes mais ne chipotons pas, une année prochaine avec un déficit avoisinant les 100 milliards, et un coup de rabot de 10 milliards dans les niches. Et cette phameuse économie totale de 40 milliards.
Tiens, 10 milliards sur 150 d’économie, c’est-à-dire le fameux coup de rabot sur les niches, c’est à peu près comme si on enlevait la (petite) barre bleue du forêt à béton de la chignole suivante, avant d’annoncer que le reste de la mèche, tout le reste, sera introduit dans le contribuable pour assurer les activités normales et bien évidemment indispensables de l’état.
Soulagement du moutontribuable : quelques millimètres de moins, c’est toujours bon à prendre, non ?
Cependant, histoire d’aller plus loin dans l’image, mettons en rapport grossier la dette actuelle, le déficit courant et les économies envisagées. Ils ‘agit d’un montage rapide, pas exact au pixel près, mais respectant globalement les grandes masses.
Imaginons que la dette est un gros camion poubelle, ce qui est commode comme métaphore puisqu’après tout, ça pue, ça pollue, ça fait du bruit mais il semble que l’État n’arrive absolument pas à s’en passer et qu’en plus, c’est lui qui le pilote en faisant des wheelings sous les fenêtres des citoyens pour l’impressionner à grands coups de klaxon.
Si l’on file la métaphore, le déficit courant est donc l’équivalent d’une petite Smart, un peu tassée (parce que la dette est bien grosse et que le déficit, à côté, reste tout petit).
Quant aux économies, c’est le petit bonzaï rouge.
Moyennant une forêt de bonzaï, on devrait arriver à juguler le déficit.
Comme on peut le constater, les efforts proposés ne sont même pas de l’ordre de la lime à ongle ; on sent que la construction d’un budget crédible va demander un peu plus que les quelques lames du petit couteau suisse de nos joyeux scouts de Bercy, qui s’emploient gentiment à construire une cabane au fond du jardin en lieu et place du bunker antiatomique qu’il va bientôt nous falloir.
Bref : tout ceci est purement symbolique. Outre le renouvellement d’un déficit abyssal l’année prochaine, ceux qui nous gouvernent n’ont toujours pas pris la mesure des enjeux. Ils sont, consciemment ou pas, comme beaucoup de gens dont les capacités s’amenuisent à proportion du gigantisme des montants ou volumes manipulés.
Pour simplement revenir à un budget décent, sans déficit, l’économie devrait porter sur 2,5 à 3 fois les montants discutés, et ceci ne permettrait qu’un répit tout à fait temporaire dans l’accroissement de la dette (même pas de son remboursement).
Quant à l’issue de cette inconscience, de cette incapacité à gérer ces volumes, on la connaît.