Commençons par le nom presque ridicule du château fort "Hazmburk" (i.e. "Házmburk"). Tout bon germanophile aura reconnu la racine germanique du nom tchéquisé. En Germain, "Hasenburg" vient de "hase" (lièvre) et de "burg" (château fort), soit le château fort du lièvre. Alors comment un nom aussi ridicule eut pu naître, allez-vous me demander? Ben tout simplement du nom d'un de ses propriétaires, "Zbyněk Zajíc" ("Zajíc" = Lièvre) qui alla jusqu'à mettre l'animal sur les armoiries de la famille aux côtés du sanglier (cf. plus loin). "Zbyněk Zajíc" donna un nom germanique au château fort parce que cela faisait bien en l'époque, genre civilisé, noble (il ne l'était pas au début), et il poussa la germanisation jusqu'à son propre nom (cf. "Zbynek Hase von Hasenburg") histoire de faire encore plus cucul m'as-tu vu. Mais comme le bon peuple tchèque ne parlait pas le Germain, et que "hase" ça sonnait comme Hans (Jean), "Hasenburg" est devenu "Hanžburk", voire "Hanžburek", le p'tit château fort du Jean. Plus tard, il fut anobli, et de "Zbyněk Zajíc", il devint "Zbyněk Zajíc z Hazmburku", "Zbynek Hase von Hasenburg" en Germain, ou Zbynek Lièvre de Châteaulièvre en Français. Mort de rire.
Et donc à propos du sanglier et du lapin, l'histoire des armoiries... En fait, lorsque "Zbyněk Zajíc z Valdeka" fonda la lignée des "z Hazmburku", il mit un lapin (2 en fait) dans l'armoirie familiale déjà occupée par le sanglier (2 sangliers en fait aussi).
Sinon on parle également du château fort, comme du monticule sur lequel il sied, et comme du village en son contrebat... donc tout ça, on en parle comme de "Klapý" (on en parlait avant surtout, moins maintenant). En fait, le château fort portait ce nom bien avant "Hazmburk", en une époque qu'on ne savait même pas encore s'il existait ou pas. La première mention écrite du bled date de 1197, lorsqu'un certain noblaillon "Hroznata"... Attends, noblaillon... Rapidement, l'histoire. Avant de partir en croisade avec ses potes chevaliers casseurs d'hérétiques, "Hroznata" écrivit un testament, pour le cas qu'il n'en reviendrait pas, de la croisade, et ce document, conservé jusqu'à aujourd'hui est unique, parce que c'est le plus ancien document portant le sceau d'un noblaillon tchèque et émit en son nom. Bref, ça raconte que s'il ne revenait pas de croisade... construction de monastère... pardon éternel... fortune... tableaux... bijoux... Et paf, il partit en croisade donc ("1197. Comes Groznata Terram Sanctam visitare cupiens, villam quae dicitur Cleppi, ecclesiae Teplensi perpetuo deputavit"). Sauf qu'arrivé sur les bords de la méditerranée, lorsqu'il vit les rafiots qu'on leur avait mis à disposition pour la Palestine, et surtout lorsqu'il lut les nouvelles de l'attaque israélienne sur la "flottille de la liberté" près des côtes de Gaza, notre boug' reçu la peur verte, et fit demi-tour, genre qu'il passerait ses vacances en pays sien bien pénard.
Alors pourquoi "Klapý" me demanderez-vous? "Dalimil" y alla joyeusement de son explication cocasse.
Et je ne peux pas vous passer sous silence la version loufoque de l'hurluberlu "Václav Hájek z Libočan", qui remonte sottement notre fort-castel en l'année 754 sous l'appellation de "Klopaj" ("Klapý") devenu "Hazmburgk" ("Hazmburk") sous l'influence germanique (cf. "Kronika česká: Léta 754. Kalboj a Veslav, dva bratří velmi silní a jako nad jiné mužní [a zvláště při nedvědích svú statečnost ukazovali a byli z rodu Košálova], ti oblíbivše sobě jeden vysoký a příkrý vrch, na něm duom pevný jako hrad postavili a dali jemu jméno Klopaj, jako by řekl Příkráj, a tak sú jej Čechové za dlúhý čas jmenovali, až potom Němci jemu Hazmburgk, to jest Zaječí vřelí, Hazmburgk hrad prevzdeh. Kterýž na tento ras také Čechove Němcův Hozmburgk a jiní Hanžbůrgk jmenují"). Je signale au lecteur novice de mes publies, que les écrits de "Václav Hájek z Libočan" sont largement romancinventés, bien que leurs origines soient historiquement fondées.
Finalement, le brave professeur "Chaloupecký" trouva la réponse sur l'origine du nom, par ailleurs tout à fait évidente: "klepy" vient du mot celte "klép", et signifie tout simplement "source".
En cette époque (vers 1420), "Hazmburk" était un des châteaux forts les mieux forts... fortifiés. Long de 170 m et large de 30 m, sa position au sommet d'un pic rocheux le rendait imprenable au point que personne ne le prit. La famille "z Hazmburku" était catholique, et leur castel représentait une réelle verrue pour les armées de "Jan Žižka", puisqu'en plein sur la route dite "serbe" qui montait de Prague vers la Saxe (du reste cette route passait pratiquement par les mêmes bleds que l'actuelle autoroute D8 Prague - Dresde). Ah oui, et malgré que l'actuelle Serbie se trouve dans les Balkans, et donc au Sud de Prague, au moyen-âge... tiens lisez, les Sorabes, la Lusace, etc... Bref, les "z Hazmburku" catholiques tenaient le château fort et les bleds de "Libochovice" comme de "Budyně nad Ohří", et ça fichait le foin dans la région alors hussite.
Après les guerres hussites, les "z Hazmburku" se distinguèrent par leur opposition au roi "Jiří z Poděbrad", et par leur lèche-cultage du hongrois Matthias Corvin (alors prétendant au trône de Bohême).
Bon, et il en reste quoi alors me demanderez-vous? Alors il en reste un chemin pentu du tonnerre de d'là, que c'est un véritable cauchemar que d'y grimper depuis le parking d'en bas. Le long du chemin, vous apercevrez les restes des 2 portes d'entrée. Ensuite vous serrez accueillis par une buvette en bois, et par la tour ronde dite "noire" parce que construite en basalte (sombre). Haute de 25 m et large de 9 m, ses murs sont épais de 2 m. Elle constituait le premier élément de défense et n'était accessible que par un pont (accourse) en hauteur depuis le bâtiment central (dont il ne reste rien). Il semblerait que la tour servait également de chiourme et d'oubliette, accessoirement de latrines selon l'humeur du maton.
Et voilà pour la période moderne, parce que n'oublions pas que la région était déjà occupée depuis l'âge du mammouth. L'on a retrouvé au bas de la colline des bouts de civilisation à céramique pointillée (véridique, il existait des civilisations à céramique rubanée, cordée, peinturlurée...) datant de 4,5 millénaires avant Jean-Claude.
Alors tu penses bien à nouveau aussi, qu'un tel édifice est velu de contes, légendes et storiettes en tout genre. Laissez-moi vous en conter quelques-unes, extirpées des mémoires des anciens du village par le médecin légiste à coup de scalpel après leur décès.
Les roses pourpres. Il était une fois la belle Lucie (plutôt réussie), fille du seigneur de "Hazmburk" Nicolas (pire papa y a pas) qui voulait la marier parce qu'à 7 ans et demi, elle commençait à se faire bougrement vieille, et qu'après, avec de la moustache, ça serait 'achement plus compliqué à la refourguer.
La cave à cratepi. Il était une fois un Michel de "Libochovice", qui se rendit un jour dans les ruines de "Hazmburk", comme ça, pour voir si rien n'avait changé, curieux qu'il était. Et tout en se promenant, il vit soudainement un trou, comme dans une cave, qui n'y était pas avant. Curieux, il entra dedans pour y jeter un oeil (curieux), et que ne vit-il pas dans le fond? Des tonneaux. Eh ouais, alors curieux toujours qu'il était, il ne put s'empêcher d'en tourner le robinet, et oh miracle, du bon vieux vin bien goûteux en sortit. "Ouah di diou" se dit-il comme ça, "trop cool, que c'est".
Le pâtre. Il était une fois le berger de moutons d'au-dessus (celui qui retrouva les cruches de Michel), qui s'en revenait en fin de journée de pâture avec son troupeau, le long des murs de la forteresse de "Hazmburk". Fatigué de faire paître son troupeau (tu m'étonnes), il s'assoupit dans l'herbe grasse appuyé contre un boulot bien confortable. Lorsqu'il se réveilla, il faisait déjà nuit, et seul un rayon de lune éclairait les ruines du château fort. Soudainement, le berger entraperçut sur les remparts de la tour blanche une silhouette blafarde tout de blanc vêtue. "Ouah di diou" se dit-il comme ça, "Michael Jackson. Trop cool, que c'est". Surmontant sa trouille bleue, il entra dans le château pour aller voir le spectre de plus près. Mais lorsque la chose se mit à flotter dans les airs en direction du pâtre, sa peur prit le dessus, et il se planqua dans un bosquet. L'apparition descendait de la tour blanche vers la tour noire, et lorsqu'elle arriva à hauteur du pastoureau, il put alors bien voir les taches pourpres sur le torse de l'ectoplasme (tout de blanc vêtu).
Le trésor de la retraite de Russie. Il était une fois Napoléon, qui, après sa raclée en Russie, reprit sa route vers la France, en 1812. Les anciens du village racontent qu'un bataillon des armées françaises en déroute aurait enterré un fabuleux trésor au château de "Hazmburk". Selon une version d'un ancien du village, le trésor se trouverait là, d'où qu'on voit en même temps le toit de la maison forestière et le sommet de la tour blanche du château. Selon une autre version d'un autre ancien du village, le trésor se trouverait là, où qu'à 18h l'ombre de la tour noire se superposerait à l'ombre de la cime du poirier depuis longtemps disparu. Et selon moi, vous aurez beau creuser dans toute la Bohême, sans la moindre chance de trouver ce trésor (si toutefois il existe), parce que la retraite de Russie s'est faite bien plus au nord de l'Europe, par la Lituanie, la Prusse, la Pomeranie, puis la Saxe, aucunement par la Bohême.
Les trésors dedans les galeries. Il était une fois les anciens du village, qui affirment que sous le château fort de "Hazmburk", se trouvent des galeries proprement cimentées menant aux châteaux de "Košťálov" et de "Budyně nad Ohří". Ils affirment de surcroît que ces galeries seraient truffées de trésors, que les chevaliers brigands, les moines (brigands aussi), les templiers, les croisés, les alchimistes, les diverses armées qui traversèrent la région, et les tous ceux qui possédaient des trésors, les auraient planqués là, devant les tous ceux qui cherchaient (et cherchent toujours) à les piller.
L'alchimie. Il était une fois les anciens du village, qui affirment encore que sous "Zbyněk Zajíc", vers 1335, serait né à "Hazmburk" un laboratoire d'alchimie. Hum... je me demande s'ils ne confondent pas avec "Budyně nad Ohří" (les "Zajíce z Hazmburka" y déménagèrent lorsqu'ils quittèrent le château fort), fin XVI ème siècle, en l'époque de cette loufoque bourrique de Rudolf II, où non seulement y vécu un temps le fameux "Tycho Brahe", mais où surtout y écrivit "Bavor Rodovský z Hustiřan" (junior) un des plus anciens livres de cuisine en Tchèque: "Kuchařství, to jest knížka o rozličných krmích, kterak se užitečně s chutí strojiti mají".
Vous savez tout sur château fort "Hazmburk" maintenant. Et c'est cool, parce que sur place vous ne trouverez pas de guide pour vous raconter tout ça. Au mieux, vous trouverez des anciens dans le village, si toute fois vous y descendez au (village), mais si vous ne parlez pas Tchèque... Sinon inutile de vous y ruer non plus. Certes, c'est une belle ruine, qui mérite le coup d'oeil si vous combinez d'autres visites dans la région, genre "Litoměřice" (superbe petite ville) et ses musées, mais à lui seul, "Hazmburk" ne mérite pas le voyage depuis Prague. C'est là: 50°26'2.716"N, 14°0'53.786"E.