100 000 tonnes de déchets fantômes à Audenge

Publié le 16 septembre 2010 par Jean-Robert Bos

Cela ne règle pas les impacts dont la pollution du bassin d’arcachon

Et de savoir ce que sont devenus ces déchets, les causes et effets sur les huitres, la santé.

Cela explique peut etre la mortalité des souris, des naissains d(huitres ….

A quand une prise de conscience et une politique plus écologique  de nos décideurs et élus?

Publié par Rédaction le 15/09/10 dans la catégorie Déchets. Surveiller les réactions RSS 2.0.
© Enviro2B - Tous droits réservés
Le procureur de la république de Bordeaux a requis hier trois ans de prison à l'encontre de l'ancien responsable du centre d'enfouissement d'Audenge dans le bassin d'Arcachon. Il est condamné pour infraction sur des installations classées, escroquerie et corruption.
Au delà des trois ans de prison, dont deux avec sursis, requis à l'encontre de Maurice Lecuyer, ancien PDG du groupe Edifi qui gérait le centre d'enfouissement des déchets d'Audenge, la procureur Marianne Domenach a également demandé 50.000 euros d'amende. Le site d'Audenge, situé en bordure du bassin d'Arcachon, aurait reçu illégalement entre 2006 et 2008 près de 100.000 tonnes de déchets en provenance des communes riveraines. Le préjudice attendrait alors les 2 millions d'euros. "L'institution judiciaire ne peut pas rester sans réagir devant un tel scandale environnemental et économique", expliquait-elle lors de l'audience.
Mauvaise presse
Le site d'Audenge n'a jamais eu bonne presse, même avant l'arrivée de Maurice Lecuyer à sa tête.  Destiné initialement à accueillir les déchets industriels, il était finalement le point de chute de toutes les saletés du bassin.  Par ailleurs, le site aurait longtemps minoré les pesées de moitié afin d'alléger la taxe générale sur les activités polluantes dont il devait s'acquitter.
A l'encontre de deux autres responsables du sites, Sophie Lecuyer, la fille du responsable et Marc Belvès, son mari,  le parquet a requis un an de prison avec sursis et respectivement 20.000 et 10.000 euros d'amende. Enfin, Mamadou Dia, le géologue responsable de l'environnement pour la commune d'Audenge est lui aussi condamné pour corruption passive. 18 mois de prison dont 8 avec sursis ont été requis à son encontre.

Sud-Ouest 14 septembre 2010 08h02 | Par Dominique Richard
100 000 tonnes de déchets fantômes à Audenge 

Entre 2006 et 2008 près de 100 000 tonnes de déchets ont été enfouies clandestinement par des dirigeants du groupe Edisud. Ils sont poursuivis pour escroquerie et corruption. Les largesses du groupe de Maurice Lecuyer sur le bassin d'Arcachon ont déclenché l'ouverture d'une enquête
Le centre d'enfouissement technique d'Audenge était le talon d'Achille d'Edisud. Archives Laurent Theillet


En cédant en 2008, le groupe Edifi qu'il avait constitué à la force du poignet dans le monde sans pitié de la collecte des déchets, Maurice Lecuyer croyait partir avec le gros lot. En changeant de mains, ses 28 sociétés devaient lui rapporter 27 millions d'euros. Non seulement la manne escomptée s'est brutalement évaporée mais la justice a rattrapé par le col cet autodidacte madré, au CV vierge du moindre diplôme, qui avait commencé à travailler à l'âge de 14 ans.

*Escroquerie et corruption *
Patrick Dauvin, le PDG de la société Ulysse, créée par d'anciens cadre de Veolia et de la Sita, croyait pourtant avoir fait une bonne affaire en reprenant les sites girondins et palois du petit empire de Maurice Lecuyer. Il n'imaginait pas quelques mois après avoir pris ses quartiers dans le Sud-Ouest, qu'il devrait liquider une partie de ses acquisitions et surtout dénoncer au procureur de Bordeaux les graves anomalies découvertes dans la gestion de la galaxie Lecuyer.
Celles-ci ont pour noms « escroquerie, exploitations non autorisées d'installation classées pour la protection de l'environnement et corruption active et passive ». À des degrés divers, elles sont reprochées à Maurice Lecuyer, à sa fille Sophie à son gendre Marc Belves et à Mamadou Dia, un docteur en géologie formé par l'université de Bordeaux et recruté comme responsable de l'environnement par l'ancien maire d'Audenge, Francis Gadou. Les mis en cause sont jugés par le tribunal correctionnel de Bordeaux.
Des « big bags » d'amiante éventrés, des casiers non recouverts, une benne radioactive dont personne ne veut s'occuper pendant des mois, une torchère censée brûler les gaz en panne, la décharge de Lacanau de Mios, située en pleine zone Natura 2000, encombrée par des immondices interdits, les déchetteries de Lanton, Andernos et Lège qui bousculent leurs clôtures…
*100 000 tonnes à l'as *
« L'administration n'a rien vu pendant des années, déplore Me Christophe Dejean, le conseil de la société Ulysse. Une défaillance incompréhensible qui sera à l'origine de fraudes de grande ampleur. » Destiné à accueillir les déchets industriels, le centre d'enfouissement technique d'Audenge était le talon d'Achille d'Edisud, le pôle méridional du groupe. Bien avant l'arrivée de Maurice Lecuyer dans le paysage, le site n'avait pas bonne presse. Ce fut pendant plus de vingt ans le lieu de relégation de toutes les saletés du bassin d'Arcachon. Relooké et devenu une plateforme de stockage de rebuts industriels, il n'a pas pour autant gagné en transparence. Selon les recoupements effectués par les agents des douanes, entre 2006 et 2008, près de 100 000 tonnes de déchets ont été enterrées ici dans la plus parfaite clandestinité*.*
*« Il fallait tenir » *
En 2006, à la suite d'un appel d'offres mouvementé, Edisud avait emporté l'appel d'offres relatif à la collecte des ordures ménagères de la Communauté de communes du nord Bassin (Coban). Pour devancer Veolia et la Sita, Maurice Lecuyer avait cassé les prix, n'hésitant pas à passer sous le seuil de rentabilité. Suicidaire. « Le maire nous avait demandé de la faire dans l'espoir de convaincre les élus de nous confier la gestion du second centre d'enfouissement qu'il envisageait de créer », avance-t-il à la barre.
Il fallait tenir. Pour ce faire Edisud majorait les tonnages ramassés qu'elle facturait à la Coban. Mais elle trichait surtout à Audenge. « Les pesées étaient minorées de 50 %. C'est ce qui résulte des témoignages de plusieurs salariées », relève la présidente du tribunal Caroline Baret. Une dissimulation qui allégeait singulièrement les charges du groupe qui devait acquitter sur chaque tonne la taxe générale sur les activités polluantes.
*À l'ancienne *
Désormais à la retraite, Maurice Lecuyer se défend d'avoir pourtant donné la moindre consigne en ce sens. Mais il ne convainc guère. Assise à ses côtés, sa fille, une ancienne professeur de danse, gestionnaire pendant deux ans du site d'Audenge, ne le suit pas dans son déni.
« J'ai poursuivi le système en croyant bien faire. J'ai fait confiance à mon père. Tout le monde était content. 800 familles ont bien vécu pendant des années sur nos sociétés. »
*Méthodes pittoresques *
Cette gestion à l'ancienne mâtinée de paternalisme, de relations ambiguës avec les élus et l'administration et de débrouillardise ne pouvait pas perdurer. Devenue le maître mot de la collecte des déchets, la traçabilité ne pouvait pas s'accommoder des méthodes pittoresques d'un groupe ou nul ne songeait par exemple à remédier à la panne du logiciel qui permettait d'enregistrer le poids des chargements.
Le procès se termine aujourd'hui avec les réquisitions du parquet et les plaidoiries de la défense.
--------------------------------------------------------------------------
*Petits cadeaux, gros 4X4 et retraits en espèces*
Commercial dans l'âme, Maurice Lecuyer savait manifestement amadouer les personnes susceptibles de contrôler ses activités. Un agent de la Ddass (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales) a ainsi bénéficié de quelques largesses apparemment incompatibles avec son statut de fonctionnaire. Rien ne permet d'affirmer que le technicien chargé de l'analyse des eaux sur le site d'Audenge a été « arrosé ». Reste qu'on ne comprend pas trop pourquoi il minorait les chiffres susceptibles de révéler des pollutions lorsqu'il établissait ses relevés.
*« Universités d'été »*
Poursuivi pour corruption passive, Mamadou Dia, l'ancien responsable de l'environnement de la commune d'Audenge, n'est pas le seul à s'étonner « qu'on cherche le mal là ou il n'existe pas ». Le scientifique passait chaque jour plusieurs heures au centre d'enfouissement. Il ignorait qu'on truquait les pesées. Une cécité que ses détracteurs rattachent au 4X4 offert par Edisud.
Le groupe, qui lui avait aussi octroyé un portable, lui commandait aussi des rapports pour étudier les sols des sites qu'il prospectait. À deux reprises, Mamadou Dia a eu droit à ce qu'il appelle joliment des « universités d'été ». Deux voyages tous frais payés en Croatie et dans son pays natal, le Sénégal où Maurice Lecuyer espérait alors s'implanter. « À Dakar, ma tante était ministre de l'Environnement », précise l'ancien fonctionnaire territorial que le nouveau maire d'Audenge s'est empressé de congédier au lendemain de son élection.

*Une élue mise en cause*

Maurice Lecuyer reconnaît du bout des lèvres quelques cadeaux, quelques bouteilles de vin ou de champagne offertes au moment des étrennes. Une pratique courante dans le monde des affaires. « Mais je n'ai jamais versé d'enveloppe », se défend l'ancien PDG.
*Enquête en cours*
Quelques minutes plus tôt, la présidente du tribunal Caroline Baret a pourtant cité le témoignage de sa propre fille. Pendant sa garde à vue, Sophie Lecuyer a fait état de retraits d'espèces. Elle a aussi mentionné une enveloppe remise à la sénatrice UMP Marie-Hélène des Esgaulx (1).
Vraisemblablement pour le financement de ses activités politiques. « Elle devait soutenir mon père et parler favorablement aux autres élus du Bassin de la création du second centre d'enfouissement », avait alors confié la jeune femme aux enquêteurs. À la barre, Sophie Lecuyer est beaucoup moins disserte. Mais elle ne revient pas sur ses dépositions initiales.
*Une boîte de Pandore ?*
Son témoignage et quelques autres ne sont sans doute pas tout à fait étrangers à l'enquête policière lancée discrètement, il y a quelques mois, pour des faits éventuels d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux. La décharge d'Audenge dissimule peut-être une boîte de Pandore.
Dominique Richard
(1) Nous avons laissé hier soir deux messages sur le portable de Marie-Hélène des Esgaulx dans le but de recueillir sa réaction. Mais elle ne nous a pas répondu.
Logo Sud-Ouest
© www.sudouest.fr

2010