ce qui est établi, c’est que tu ne peux pas rester
ici. et aussi
que tu ne peux pas sortir d’ici. toi-même tu es établi, tu n’es
pas bon pour le voyage, pas bon pour l’absence, un jour
il faudra bien que tu sois absent, mais c’est encore loin, ça,
comme est encore loin tout ce qui reste invisible:
les vieilles douleurs amies dans la tête, et le fait
qu’elles ne partiront plus, pas chez moi
et pas dans le sud qui lui aussi
reste invisible, peu importe jusqu’où
tu le suis, car le sud est toujours
au sud. sud en tenue de fête. sud
au vent. à la fenêtre ouverte. comme un enfant.
•
non. ils ne volent pas vers le sud
car dans le sud on est seul. je les entendais
voler la nuit, au début leurs ailes
bruissaient encore, il y eut des cris
espacés, haut et plus haut encore jusque
sur la lune où ils atterrissent sur le côté
détourné de la terre, le côté le plus sombre,
longtemps immobiles. aile contre aile,
serrés l’un contre l’autre: des oies, des oies
sur la lune sans air, qui vole.
Ulrike Almut Sandig, deux poèmes, traductions inédites de Rüdiger Fischer.
•
Je ne dirai rien sur les vibrations des arbres dans la lumière ni
sur les arbres en eux-mêmes : pas un mot sur le hêtre
dans l’arrière-cour de la femme médecin dont la fille
meurt dans la chambre à coucher, pas un mot
sur le paulownia dans notre propre cour sous lequel
nous sommes assis, toi et moi, jusque tard dans la nuit,
feignant de croire que le fille du médecin n’est véritable
que dans les poèmes que je note. des vibrations des arbres
dans la lumière je ne révèlerai que les cimes,
les cimes des arbres dans le vent tournoyant,
et les aiguilles toujours vertes. je feindrai de croire
que seule la lumière violente, vibrante,
brodée dans les cimes des épicéas, est tout à fait véritable.
mais pas les tronc serrés au-dessous, jamais ombres étroites,
la forêt, les arbres en eux-mêmes
Ulrike Almut Sandig, traduction de Rüdiger Fischer, revue Décharge, n°146, p.
119.
note
bio-bibliographique d’Ulrike Almut Sandig
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