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Retraites : psychodrame à l’Assemblée sur fond de parlement croupion

Publié le 16 septembre 2010 par Hmoreigne

 Beaucoup de bruit pour rien. Pour s’épargner seulement onze petites heures de débats à la Chambre des députés, Bernard Accoyer en lien avec l’Elysée a cédé à la tentation de la manière forte. Jouant l’esprit du texte contre la lettre du réglement de l’Assemblée le président de la chambre basse a réduit les députés de gauche au silence pour respecter coûte que coûte le calendrier législatif. L’épisode confirme le mépris de l’exécutif à l’égard d’un parlement rabaissé au simple rôle de chambre d’enregistrement des oukases élyséens.

On ne peut reprocher aux parlementaires socialistes de s’être engouffrés dans la brèche du nouveau règlement de l’Assemblée nationale de décembre 2009, issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Celui-ci prévoit que “chaque député peut prendre la parole, à l’issue du vote du dernier article du texte en discussion, pour une explication de vote personnelle de cinq minutes”. Une sorte de temps additionnel, qui n’est pas décompté du temps global réparti entre les groupes.

A règlement mal fait, opportunité d’abuser. Bien décidés à user de leur droit et à démontrer leur combativité envers une réforme présentée comme devant être le totem du mandat de Nicolas Sarkozy, les députés de gauche s’étaient organisés pour retarder au maximum l’adoption du texte programmée pour 15 heures.

Les enjeux n’étaient pas importants sauf à considérer qu’annoncer l’adoption par les députés au JT de 20 heures était essentiel dans le plan média du gouvernement. En parfait petit soldat, ou en chef de gare zélé, Bernard Accoyer s’est tout simplement assis sur le règlement qu’il est censé faire respecter en décrétant de mettre fin aux explications de vote personnelles et, en suspendant la séance à la 23e explication de vote. “Je ne laisserai pas, au travers de petites manoeuvres, l’obstruction qui est paralysante et dévalorisante pour notre Parlement, se réinstaller”, a expliqué M. Accoyer.

Une nouvelle fois, Bernard Accoyer confirme les critiques formulées à son égard qui estiment qu’il n’est pas à la hauteur. Le président de l’Assemblée nationale doit en théorie se départir de ses habits de député inféodé à un groupe politique pour défendre l’institution mais aussi, garantir à chaque groupe, à chaque député, un véritable pouvoir d’expression.

Daniel Garrigue, député non inscrit de Dordogne a souligné la fragilité de l’argumentation du Président en soulignant que ce dernier préjugeait “à l’avance de la position des députés” en clôturant les explications de vote. Bernard Accoyer avait en effet justifié la suspension de séance par le fait que les députés exprimaient tous le même avis lors de leurs questions personnelles.

La séquence a surtout offert l’occasion à des parlementaires socialistes, qui ne s’en sont pas privés, de se draper dans la posture de la démocratie parlementaire violentée. Aux cris de de “forfaiture” et de “démission” une poignée de députés a raccompagné (cf vidéo) Bernard Accoyer jusqu’à ses appartements.

Les députés socialistes ont estimé dans un communiqué que “Ce comportement indigne se produit dans un contexte de crise de la démocratie française où le pouvoir et la majorité ne respectent plus aucune de nos institutions républicaines, ni les droits de l’homme, ni l’indépendance de la justice, ni la liberté de la presse, ni la souveraineté des représentants du peuple”.

Signe d’une radicalisation à venir des relations entre majorité et opposition au sein du Palais-Bourbon, le texte ajoute “Aujourd’hui nous ne reconnaissons plus l’autorité d’un président qui viole de sang froid les règles qu’il a lui-même fait adopter”.

Joint par téléphone, Alain Néri député PS du Puy-de-Dôme (reconnaissable sur la vidéo par ses qualificatifs de putschiste à l’égard de Bernard Accoyer ) confie que si la bataille de l’Assemblée est perdue,  la guerre contre la réforme de la retraite va continuer au Sénat et dans la rue le 23 septembre.

Très remonté le parlementaire auvergnat indique que le groupe socialiste réfléchit à différentes actions (motions de censure, saisine du conseil constitutionnel). Il dénonce comme les membres de son groupe à la fois la multiplication des atteintes contre la République mais surtout “un coup d’État permanent” par une remise en cause de la séparation des pouvoirs, un asservissement de la Chambre à l’exécutif permis par des parlementaires godillots et un président de l’Assemblée “aux ordres” de l’Elysée.

Si la droite dénonce la théatralisation des parlementaires de gauche, l’opinion publique risque pour sa part de retenir un passage en force à la légitimité douteuse. Finalement c’est bien l’institution parlementaire et l’Elysée qui apparaissent comme les grands perdants de la journée. Sauf à considérer que dans le populisme rampant développé par Nicolas Sarkozy, celui-ci ne cherche qu’à décrédibiliser les corps intermédiaires pour créer un lien direct et nauséabond entre le peuple et le Chef de l’Etat.


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