L'émission "Procès verbal" de ce matin était sur les cas de censures artistiques, depuis Flaubert jusqu'aux affaires récentes et multipliées.
J'écoutais en astiquant ma salle de bain -et oui, je fais le ménage le dimanche matin- en attendant de voir si l'on parlerait de la censure révoltante de l'exposition d'illustration "Pour adultes seulement" qui aurait dû s'ouvrir en mai à la BDP de la Somme à Amiens... (un petit rappel des faits au Monde si vous êtes en retard)
Ils en ont parlé, ce qui était juste et bien.
Il faut savoir que cette exposition, c'est un peu mon rêve d'exposition en fait.
Depuis que j'ai commencé à travailler dans les livres illustrés, ça a toujours été mon créneau : quand les illustrateurs ne travaillent pas vraiment pour les enfants, quand l'enfance n'est plus le terrain cible, quand c'est autre chose, autrement, quand on arrête d'associer "image" et "pour enfants"... Parfois c'est un peu confus, parfois c'est très clair. Le fait est que ça avance. Lentement, mais ça avance.D'où que je défends et m'occupe du rayon avec les livres qu'on appelle "expériences graphiques", frontières avec la littérature, la bande dessinée, le livre d'artiste, d'où que OUI j'y inclus de l'illustration érotique et pornographique mais NON "livres illustrés pour adultes", ça n'est pas que ça non plus.
Mais juste minse, enfin, imaginez un peu qu'une exposition d'illustration puisse présenter autre chose que des illustrations de contes de fées et de lapins dans la prairie (j'aime bien aussi, hein, faut pas se méprendre), et que ce soit pas de la bd non plus, parce que ça m'énerve aussi, que pour pouvoir présenter des images qui soient pas à l'intention des enfants, il faille obligatoirement se mettre derrière un paravent "bd" : la bd, ça peut être pour enfants, et l'illustration, ça peut être pour adultes, et même pour adultes seulement !
J'ai une immense admiration et affection pour Janine Kotwica, la commissaire de cette exposition, que j'ai eu la grande chance de rencontrer une fin d'après-midi inattendue, comme un cadeau du hasard pour donner sens au travail accompli.
Les 2 ans de travail investi dans la préparation de son exposition, les images -somme (sic) toute, très soft- rassemblées (dont on peut avoir une idée dans ce portfolio, injustement nommé "érotique" d'ailleurs à mon sens), mises en scène et en catalogue, tout cet enthousiasme et ces heures passées, réduites avec une telle facilité à rien, je dois avouer que ça me dépasse totalement. Surtout quand on pense à la reconfiguration possible, au déplacement de lieu, à que-sais-je, mais à tout ce qui était possible autrement pour que ça ne se passe sûrement pas ainsi, aussi stupidement.
Je voulais en parler depuis le début, je le fais maintenant, je prends ce temps là parce que "parfois il faut dire les choses" et puis minse alors : on fait des aménagements tous les jours avec la "bonne morale" de l'image, du propos dessiné, on s'auto-censure parfois plus qu'on ne devrait, c'est vrai, mais il faut se souvenir que le rôle fondamental d'une bibliothèque, c'est de pouvoir présenter tous les aspects des questions, si la bibliothèque est affaire de choix, d'acquisition, de mise en valeur, la représentation de la pluralité en est l'une des pierre d'angle aussi, et en matière d'illustration, la pluralité en bibliothèque (et en édition, il faut le dire aussi) est encore un combat, où chaque petit pas s'apprécie à sa juste valeur, mais parfois on aimerait bien se passer de gros pas en arrière comme cette décision d'annulation d'expo.
Voilà, na, je l'ai dit.
Au fait, il y a un groupe facebook et là vous pouvez lire ce qu'en pense l'Observatoire de la liberté de création de la LDH...
image : affiche prévue de l'expo, par Léo Kouper (via David Merveille qui devait participer aussi, ainsi que notre Tomi national aussi d'ailleurs -un coup d'oeil au Musée Ungerer à Strasbourg d'ailleurs et vous aurez compris que l'idée de "l'image, c'est que pour les enfants", c'est une déperdition de potentiel créatif absolue).