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Claude Chabrol: l'écume d'une nation

Publié le 15 septembre 2010 par Mojorisin

Avant toute chose, mettons les choses au clair : L’œuvre de Claude Chabrol ne peut en aucune manière être qualifiée de pop, elle qui attachait tant d’importance au terroir alors que la pop déterritorialise dans tous les sens. Elle se situe même à l’opposée. Mais saluer la mémoire de ce grand réalisateur revient à saluer la mémoire d’un cinéma très attaché à ses racines (hexagonales) et le père fondateur d’un genre extrêmement novateur : la Nouvelle Vague. Claude Chabrol ou une œuvre française.

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Le comparer à son comparse des Cahiers du Cinéma, Jean-Luc Godard, revient à dégager leurs grandes différences mais surtout sa spécificité. Tous deux partisans à leur début d’un cinéma de plein air, affranchi de la lourdeur des studios, leur vision respective du 7ème art ne cessa néanmoins de diverger. Pourtant leur admiration réciproque envers Hitchckock, leur style empreint d’un lyrisme littéraire, leur volonté d’alléger le cinéma de papa (en gros les films de Gabin, Ventura, Audiard...), ces choses communes auraient dû les placer sur les mêmes rails. Et pourtant…

Car Chabrol, adepte de ces auteurs réalistes et naturalistes que furent Flaubert, Maupassant, et Zola, chercha tout au long de ses films à adapter ce style très ancré dans les provinces françaises. On peut presqu’y renifler le saucisson et le vin rouge tant sa caméra colle au terroir. Mais de ce terroir si français, produisant les liqueurs les plus sucrées et les mets les plus fins, émergent des êtres terriblement vils derrière lesquels couvent les intrigues les plus tordues ; héritage hitchcockien et simenonien oblige, l'intrigue sert de prétexte à un défilé de personnalités particulières. A son image, ses protagonistes bon vivants, à la gouaille intarissable, semblent tout droit issus de cette littérature brossant des portraits si justes qu’ils s’apparentent à des archétypes. Son regard humaniste s'amuse des turpitudes d'un esprit français qu'au fond il affectionne tout particulièrement.

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Le cinéma de Godard, imprégné du romantisme allemand, ne cessa quant à lui de flirter du côté d’un modernisme épuré et ascétique. Adepte de Goethe ou Hölderlin, ses références littéraires divergeaient considérablement de son camarade des Cahiers. Et cette différence initiale s’accentua irrémédiablement au cours du temps ; tandis que les films de Godard devenaient aussi compréhensibles que la théorie de la gravité quantique, les décors et les personnages de Chabrol semblaient fraîchement sortis d’un bac de formol. Chacun à sa manière alla jusqu’au bout de sa logique ; voilà un élément sur lequel tous deux auraient pu se retrouver.

Mais il est trop tard. Claude Chabrol vient de disparaître et Godard vit reclus en Suisse. Tous deux, pères fondateurs de la Nouvelle Vague en opposition totale, séparés par le courant de leurs inspirations initiales. Car si le second en recherchait le creux, le premier s’intéressait quant à lui à l’écume, mousse blanchâtre vouée à se dissoudre ; contrairement à son œuvre qui, on l'espère, se bonifiera comme un bon vin. Après tout ceci ne serait que justice rendue à l'égard d'un amoureux de la vigne.


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