Bruxelles s’attaque aux ventes à découvert et aux dérivés
Publié le 15 septembre 2010 par Copeau @Contrepoints
Les ventes à découvert seront mieux surveillées et contrôlées et pourront être restreintes ou interdites au niveau européen sous certaines conditions, selon une proposition de la Commission européenne rendue publique mercredi.
(Reuters) Deux ans jour pour jour après la chute de Lehman Brothers, l’exécutif communautaire a également proposé d’accroître la transparence sur le marchés des dérivés qui, comme les ventes à découvert, avaient été largement pointés comme responsables de l’accélération de la crise financière.
« Les propositions d’aujourd’hui sont un pas supplémentaire vers une plus grande stabilité financière en Europe », s’est félicité le commissaire européen au Marché intérieur, Michel Barnier, dont les textes devront maintenant être discutés par les Etats membres de l’UE et le Parlement européen.
« Les propositions d’aujourd’hui vont accroître la transparence pour les régulateurs et les marchés et rendre la tâche des régulateurs plus facile pour détecter les risques sur les marchés de dette souveraine », a-t-il ajouté.
En dehors de soumettre les ventes à découvert à de nouvelles obligations de transparence et de contrôle, le régime proposé vise à instaurer un dispositif coordonné au niveau européen pour agir en cas de crise grave et éviter de répéter les errements de ces derniers mois, quand plusieurs pays des Vingt-Sept ont pris des décisions sur leur territoire sans en informer leurs voisins.
Les régulateurs nationaux se verraient ainsi confirmer le pouvoir de restreindre voire d’interdire les ventes à découvert pour une période de trois mois, renouvelable si cela est justifié.
Le nouveau superviseur européen des marchés, qui commencera à opérer le 1er janvier, se verrait quant à lui confier une tâche d’encadrement et aurait aussi le pouvoir de prendre des décisions directement en cas de risque pour la stabilité des marchés et lorsqu’une situation fait peser un risque transfrontalier.
Il aurait notamment le pouvoir d’imposer une interdiction de 24 heures de ventes à découvert à certaines personnes lorsque ces ventes alimentent des chutes supérieures à 10% sur un instrument financier spécifique.
DES DÉRIVÉS PLUS TRANSPARENTS
Les ventes à découvert à nu d’actions ou de titres de dette souveraine ainsi que les Credit Default Swaps (CDS) à nu, dont plusieurs Etats avaient suggéré avant l’été l’interdiction pure et simple resteront autorisés.
Ces ventes seront cependant soumises à une « locate rule » forçant les vendeurs, avant même de conclure la vente, à s’assurer qu’ils disposeront bien du titre lorsqu’ils devront le livrer, et les CDS à nu pourront quant à eux être interdits de manière temporaire par les régulateurs.
Une vente à découvert est la vente d’un titre que l’on ne détient pas encore avec pour but de le racheter à une date ultérieure à un prix inférieur afin de faire un bénéfice.
Une vente à découvert à nu consiste à réaliser cette vente à découvert sans même avoir emprunté le titre ni s’être assuré que l’on pourrait l’emprunter.
Concernant le marché des dérivés, la Commission propose que les contrats pour les opérations de gré à gré soient enregistrés auprès de chambres d’enregistrement et que les superviseurs européens disposent de plus d’informations à leur sujet.
L’exécutif communautaire propose également que les contrats standardisés pour les opérations de gré à gré passent par des chambres de compensation afin de réduire les risques liés à ces opérations, qui représentent quelque 80% du marché des dérivés.
Les entreprises non financières, comme les grands groupes aéronautiques ou les constructeurs automobiles qui ont recours à ces opérations pour se couvrir de risques liés à leur activité, seront exemptées de ces obligations.
L’entrée en vigueur du texte sur les ventes à découvert est envisagée pour le 1er juillet 2012, alors que celui sur les dérivés devrait être finalisé pour fin 2012.
Interrogé sur un éventuel manque d’ambition européen compte tenu de ces délais, Michel Barnier a expliqué qu’il était nécessaire « d’intégrer le temps démocratique du débat au Parlement et entre Etats membres (…) et le temps de la préparation technique de ces réformes, notamment la création des chambres d’enregistrement, des chambres de compensation ».
« Mais 2012, c’est demain », a-t-il insisté.