Le Shabbat entre Rosh Hashana et Yom Kippour, a été lu un passage du prophète Oshéa (Osée) qui commence par "Reviens Israël jusqu’à l'Éternel ton Dieu, car tu as trébuché dans ta faute".
Le prophète Oshéa qui a eu des propos très durs à l'encontre d'Israël parce qu'il suivait les idolâtries cananéennes, appelle le peuple juif à revenir vers D.ieu.
La faute est entendue comme un éloignement de D.ieu, d'où l'invitation au retour, au rapprochement.
Ici le prophète refuse la fatalité de la faute.
Si la conception fataliste envisage le temps comme une droite rectiligne où le passé est toujours derrière l'homme, l'attitude prophétique envisage le temps comme un espace. De la même manière que le sujet peut se déplacer géographiquement d'avant en arrière et d'arrière en avant, de même la conscience peut réaliser un voyage équivalent entre passé et futur et entre futur et passé.
Nous pouvons alors parler d'une conception spatiale du temps.
Cette approche spatiale du temps est très importante au plan de la foi religieuse, car elle sous-tend le principe de la téchouva, de retour.
Il y a d'abord le rappel de la faute passé. Tel est le travail de mémoire qu'un homme peut réaliser en n'importe quel temps et n'importe quel lieu, mais tout particulièrement pendant les dix jours de téchouva.
Puis il y a l'énonciation de la faute au présent. C'est ce que l'on fait le jour de Kippour en énonçant les différents types de transgressions, en acte, en parole, en pensée, volontaires ou involontaires.
Pour finir, il y a l'engagement de ne plus fauter dans le futur. C'est souvent l'engagement de la fin de Kippour.
Depuis l'appel d'Osée jusqu'à la codification de Moïse Maïmonide, la tradition juive s'oppose à la conscience tragique de la faute indélébile.
La seule condition est le désir de l'homme de revenir à D.ieu.
Une formule rabbinique dit "rien ne résiste à la volonté", "ein davar ômed bifné haratson".
On ne peut revenir à son corps de jeunesse, mais la volonté aura l'effet d'une eau de jouvence. Comme le chante le psalmiste, par la volonté, l'homme "renouvelle sa jeunesse".
Selon le Midrash, le mot "ratson", "volonté" vient de la racine "rats", courir, à la forme superlative. La volonté est une "super course".
L'effort pour modifier nos mauvaises habitudes, offre "une plus-value à celui qui l'entreprend, "la première fois qu'un homme faute, il sait qu'il faute, mais la seconde fois, l'interdit est à ses yeux une permissivité".
Nous avancerons que si ce retour dans le temps est possible.
La rencontre avec D.ieu n'est pas une rencontre spatiale, mais une rencontre temporelle.
Tous les dieux de l'antiquité sont des dieux de l'espace, ils habitent tel endroit et s'identifient à telle force de la nature.
Or le D.ieu de la Torah se présente en tant qu'Être dans le temps. Telle est la réponse de D.ieu à Moïse qui lui demande son nom, "éhié asher éhié", "Je serai qui Je serai, ou Je suis qui Je suis".
Le caractère de la téchouva est que rien n'est définitif, que le déterminisme peut être brisé.
Rachi donne deux explications sur ce verset.
Il écrit "Selon le sens littéral, D.ieu a demandé au patriarche de sortir physiquement de sa tente. Il arrive en effet que le simple déplacement géographique (sortir de chez soi), nous donne une autre vision des choses".
Il poursuit "Selon le Midrash, D.ieu lui a dit "Sors de ton thème astral. Si Avram ne peut enfanter, Abraham enfantera, si Saraï ne peut enfanter, Sarah enfantera. Je changerai vos noms, et vous aurez un fils".
Telle est la valeur de la téchouva, changer notre nom, renaître à une nouvelle vie, s'inscrire dans l'espérance du monde, face à l'Être source de vie.