
Le premier des deux courts, All flowers in time, récipiendaire du Grand Prix, était signé Jonathan Caouette, révélé il y a quelques années par l’étrange film / journal intime Tarnation. Un court sous l’influence évidente de David Lynch, étrange, rébarbatif et angoissant, une vraie curiosité interprétée entre autres par Chloë Sévigny. Le second court, One night, suit presque sans dialogues la nuit d’une poignée de jeunes femmes en boîte de nuit. Un moment débridé et plutôt drôle quelque part en Australie, détendant à merveille l’atmosphère après le court Lynchien précédent.
Mais ce qui nous réunissait tous ce soir-là, c’était évidemment le film de clôture, le très attendu Monsters. Sachant que je le verrai à l’Étrange Festival, je m’étais expressément coupé de toute bande-annonce du premier long-métrage signé de l’inconnu Gareth Edwards. Tout ce que je connaissais du film c’étaient une ou deux affiches, et un vague synopsis. Je ne saurais dire à quoi je m’attendais avec précision, mais une chose est sûre, je ne m’attendais pas à ce que nous a offert Monsters. Si, en fait, je pense que je m’attendais à un film fauché mais flippant et haletant.

Le cadre posé par Gareth Edwards est remarquable. A l’évidence tourné en décors naturels en Amérique Centrale, Monsters ne sent pas le chiqué. Chaque plan, chaque séquence est criante de vérité dans cet univers entre misère et chaos, suffisamment réaliste pour que l’on sente une société similaire à la nôtre, tout en y insufflant cette piqûre de science-fiction, ces immeubles en proie aux flammes, ces panneaux indiquant la zone infectée, ces reportages passant sur les écrans de télé. Cela peut sembler anodin, mais ce sont ces détails qui tissent la force d’un récit inscrit dans le surnaturel. Dès lors que ces bases sont solidement ancrées, le récit peut suivre son cours, l’adhésion du spectateur est acquise. La mienne l’était.
Si bien que lorsque le film ne semble pas vouloir emprunter le chemin qu’on attend de lui, celui d’un film pressé et pressant, offrant de l’action, je ne l’ai pas rejeté. Si Monsters avait manqué sa mise en place, la lente errance que le récit adopte ensuite aurait pu renfrogner. Or la minutie apportée à l’univers visuel, malgré la restriction budgétaire, pousse à s’intéresser à cet angle inattendu choisi pour traiter d’un road movie en territoire ennemi et étranger. Le film avance, explore, accélère un peu pour mieux ralentir. Lorsqu’il devient clair que nos deux héros vont finir par devoir frayer en zone infectée, on s’attend à ce que le film bascule dans une course contre le danger, mais il n’en est rien. Edwards maintient son désir d’explorer la mythologie qu’il a bâtie et s’en servir pour aller plus loin qu’un film d’action. Drame social et romance tout autant que film d’aventure, Monsters flirte avec la métaphore politique, avec les inquiétudes migratoires, guerrières et écologistes de notre époque, pour s’affirmer en tant que film de SF original et intelligent.
Monsters devrait sortir en décembre dans les salles françaises. Amateurs de SF sortant de l’ordinaire, diminuez vos attentes en action et cochez la date sur votre calendrier…