Histoire de souffler un peu dans une actualité accablante, je propose de parler aujourd'hui littérature. Ceci dit, cela ne va pas forcément nous remonter le moral, vu le sujet du livre.
Dans les années 20, Itzig FinkelsteinFinkelstein et Max Schultz sont tous les deux nés le même jour dans une ville allemande. Itzig est juif, Max ne l'est pas mais à toutes les caractéristiques physiques que les nazis attribueront aux juifs. Itzig vit dans un environnement familial sain, avec un père coiffeur qui tient un salon de grande réputation. Max vit avec une mère qui se prostitue et un beau-père qui le frappe et le viole. Il est élevé dans la haine de l'autre, particulièrement les juifs que son beau-père, coiffeur médiocre, exécre. Pourtant, Itzig et Max deviennent amis, et le père FinkelsteinFinkelstein leur apprend le métier à tous les deux, malgré les sympathies de Max pour le parti Nazi au début de son ascension.
Hitler arrive au pouvoir, la guerre fait rage avec les horreurs que l'on connaît, auxquelles Max participe plus qu'activement. En 1945, traqué comme criminel de guerre par les alliés, il décide de changer d'identité et de prendre elle d'Itzig qui a té tué dans les camps. A partir de là, il va s'imprégner de la culture juive, au point de devenir un militant insatiable de la cause sioniste et de partir faire sa vie en Israël où il combattra au sein de l'armée israélienne dont il deviendra un héros.
A lire le résumé, on comprend pourquoi il a fait un scandale dans les années 70, lorsqu'il est sorti en Allemagne. on comprend aussi pourquoi il a fallu 30 ans pour le traduire en Français, et que sa sortie se fait dans une discrétion somme toute relative eu égard au contenu sulfureux.
Mais bien plus que l'histoire, un nazi qui se fait passer pour un juif afin d'échapper à ses criminels de guerre, il y a le style incroyable d'Hilsenrath, truffé d'humour, d'ironie, d'invraisemblances... qu'il a le talent de rendre crédibles. "Le Nazi et le barbier" est l'opposé des "Bienveillantes" de Jonathan Littell, où l'atmosphère était étouffante et où le lecteur ne pouvait pas respirer. Au contraire, en donnant l'impression de la légèreté et du recul, Edgar Hilsentath donne du poids à son récit. Là où l'identification avec Max Aue, le personnage de Littell était impossible, elle devient pertinente avec Max Schultz, malgré sa laideur et sa bêtise. Et c'est bien cette identification possible avec le personnage qui donne sa force au livre. D'un seul coup nous comprenons qu'il fallait avoir une force morale impressionnante pour échapper au système, d'un seul coup nous comprenons que tout le monde peut un jour devenir le juif de l'autre.
J'ai lu beaucoup de choses sur cette période, mais aucune qui ne m'ait à ce point bouleversée et fait réfléchir. Assurément un livre essentiel.
Sur le sujet :
On trouve une critique enthousiaste sur le Le journal d une lectrice, un peu plus mitigée sur L'espèce de blog.
Sur le web :
L'économie expliquée avec humour, c'est chez Pensee libre.
Armando est un photographe de talent, la preuve sur son blog nuages de photos
Si vous aimez la littérature finlandaise, c'est chez dasola