Nicolas Sarkozy, 14 septembre 2010.
Mardi, Nicolas Sarkozy était accompagné de Jean-Louis Borloo pour visiter un chantier de construction de logements à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne). Il avait laissé tomber le costume bleu nuit, pour une tenue gris clair, à l'image du ciel, du chantier et même de l'atmosphère générale. Le thème du jour était « logement et de la réforme des aides publiques favorisant l'accession à la propriété ». Ce sont des sujets où il y a fort à dire. Le bilan de l'action sarkozyenne depuis 2007 y est inexistant.Zéro sur l'immobilier
Mardi 14 septembre, Nicolas Sarkozy avait prévu de se faire photographier aux côtés d'ouvriers sur le chantier d'une construction d'immeuble. Ces photos sont comme des trophées qu'il exhibera plus tard lors de sa campagne de réélection. Si campagne il y a... Des récents sondages révélaient en effet que sa popularité a fortement progressé auprès des sympathisants du Front National, mais que d'autres prétendants à droite (Fillon, Villepin) sont jugés aussi crédibles que lui pour porter une candidature de droite à la prochaine élection.
Mais revenons au logement. Sarkozy devait convaincre son assemblée que sa politique est un succès, tout en annonçant la suppression de l'une de ses mesures phares. L'exercice rhétorique n'était pas difficile pour Sarkozy.
La défiscalisation des intérêts d'emprunts était l'une des grandes promesses du candidat Sarkozy : « Je propose que ceux qui ont des rémunérations modestes puissent garantir leur emprunt par la valeur de leur logement.» Il rêvait d'une France de propriétaires, un objectif rappelé dans la communication gouvernementale d'hier. De multiples dispositifs existaient déjà. L'innovation de Sarkozy était de soutenir l'acquisition de la résidence principale. Pendant la campagne présidenielle de 2007, Sarkozy défendait même la généralisation du crédit hypothécaire, les fameux « subprimes » à la Française. Depuis l'effondrement des subprimes américaines, le gouvernement et l'UMP font mine d'oublier ses promesses. Mais dès le mois d'août 2007, le paquet fiscal était voté, avec cette fameuse défiscalisation des intérêts d'emprunt. Symboliquement, Sarkozy fixait même rétroactivement la date des emprunts concernés au ... 6 mai 2007, histoire que chaque bénéficiaire se remémore cette date glorieuse à la lecture de sa feuille d'impôt annuelle.
Hélas, cette mesure fut totalement inutile, très coûteuse et complètement anachronique. La France manque de logements, et cette pénurie de l'offre entretient l'inflation immobilière. Plutôt que de construire des logements abordables car subventionnés, Sarkozy préférait subventionner l'endettement des ménages. Quelle belle idée ! En France, la construction de logements a même baissé depuis août 2007 : d'environ 40 000 par mois d'avril 2006 à août 2007, le nombre de démarrages de chantiers a régulièrement chuté, sans attendre la crise du crédit à l'automne 2008. Cette dernière a achevé les ambitions présidentielles.
En juillet dernier, le gouvernement recensait 31 000 constructions, soit un cumul de 338 000 sur 12 mois glissants, en recul de 4%. En 2008, on comptait environ 400 000 constructions de logements.
La défiscalisation des intérêts d'emprunts était dégressive et plafonnée à cinq années, mais surtout trop partielle - quelques milliers d'euros de crédit d'impôt qui ne modifiait pas la décision d'un ménage d'acquérir ou pas un logement. Elle n'a rien encouragé. La proportion de propriétaires reste scotchée à 57% en France. La mesure n'a profité qu'aux classes aisées, qui y ont trouvé un véritable effet d'aubaine. En 2010, certains députés, à droite comme à gauche, s'inquiètent du gâchis : 280 millions d'euros en 2008, un milliard en 2009, 1,5 milliard en 2010, et 2,6 milliards en 2013.
En août dernier, le gouvernement cède. Christine Lagarde reconnaît l'échec. Mais l'Elysée a préparé les éléments de langages : une nouvelle mesure est en gestation, pour le budget 2011; le dispositif de prêt à taux zéro sera élargi pour bénéficier à tous, même aux plus riches !
Mardi, le monarque a donc annoncé ses nouvelles mesures, déjà connues depuis l'été : exit la défiscalisation partielle des intérêts d'emprunt immobiliers pour l'acquisition d'une résidence principale. Evidemment, Sarkozy n'assume pas son échec : mardi, il préfère expliquer que c'est la faute des banques, qui ne retiennent pas le crédit d'impôt créé en 2007 comme un apport en capital. Exit aussi le Pass-Foncier, un dispositif antérieur à l'élection de 2007. On se souvient d'une Christine Boutin ministre de la Ville, célébrant, un jour d'avril 1998, le lancement des maisons à 15 euros : le principe était simple, on rembourse la maison (pendant une vingtaine d'années), puis ensuite le terrain. problème, il n'y a pas assez de terrains disponibles.
Mesure du jour, le Prêt à taux zéro devient le « PTZ+ ». Il fallait écouter et voir Nicolas Sarkozy sur sa chaise, lors de sa table ronde sur le sujet, organisée au beau milieu du chantier visité : « ce nouveau prêt à taux zéro, ça n'a rien n'a voir avec l'actuel ! » La modification majeure est qu'il est désormais accessible sans condition de ressources, mais réservées aux primo-accédant. Les classes aisées seront satisfaites ! Le montant du prêt sera égal à un pourcentage du montant de l'opération d'accession à la propriété, dans la limite d'un plafond. Ces paramètres seront modulés en fonction de la localisation (logements neufs en grandes villes, anciens en province), de la performance énergétique du logement, et de la composition de la famille. Le gouvernement veut aussi cibler les ménages dont les revenus sont compris entre 2 et 4 Smic, en permettant des durées d'emprunt jusqu'à 30 ans. Il espère porter le nombre de bénéficiaires de 250 000 à 380 000.
Par ailleurs, le Prêt épargne logement (220.000 familles concernées chaque année) et les aides personnelles au logement (APL accession) seront maintenues.
Le sous-secrétaire d'Etat au Logement Benoist Apparu était enthousiaste: « Jamais l'Etat n'a autant investi pour permettre aux classes moyennes et modestes d'accéder à la propriété, tout en étant plus efficace avec moins d'argent. » Il devrait rester modeste. Le nouveau dispositif PTZ+ doit coûter environ 200 millions d'euros de moins par an.
Une économie très modeste, pour un dispositif de soutien qui ne répond toujours pas au problème de fond, la pénurie de logements.
Bourde sur les écoutes
Sur un autre sujet, plus symbolique, l'Elysée a envoyé Frédéric Péchenard, le directeur général de la Police Nationale, défendre son innocence par le biais d'un communiqué. Ce dernier a ainsi précisé mardi qu'il était à l'origine de l'espionnage téléphonique d'un conseiller ministériel : la police aurait eu vent de fuites à la presse émanant d'un haut fonctionnaire, membre d'un cabinet ministériel : « Une brève et ponctuelle vérification technique a alors permis de rendre vraisemblable le renseignement initial ». Péchenard nie toute écoute téléphonique. L'espionnage de la DCRI n'aurait consisté, selon lui, qu'au recueil de données (i.e. l'identification des contacts téléphoniques), une enquête légale « dans le cadre de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 qui autorise la recherche de 'données de connexion'. » Il conclut : « Sur la base de cette vérification et uniquement à (ma) demande, le directeur de la DCRI Bernard Squarcini a saisi le procureur de la République par une note en date du 2 septembre. Les services de police n'ont donc fait que leur travail .»
Revenons sur ce fameux article 20 de la loi du 20 juillet 1991 « relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques » : « les mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer, aux seules fins de défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne ne sont pas soumises aux dispositions des titres Ier et II de la présente loi ». Le titre Ier de la dite loi traite des conditions d'écoutes, notamment téléphoniques, ordonnées par l'autorité judiciaire, un cas inopérant en la matière. Le Titre II concerne les « interceptions de sécurité », relatives à divers cas de grandes menaces extrêmes (terrorisme, grand banditisme, atteinte à la sécurité nationale, etc). Elles sont soumis à une procédure d'approbation explicite. Le directeur de la Police nationale se place donc dans un troisième cas de figure, l'auto-saisine, prévue par la loi, mais circonscrites à la « défense des intérêts nationaux. »
Péchenard reprend l'argumentaire élyséen : cet espionnage serait légal car répondant à l'objectif de défense des intérêts nationaux. Fichtre ! La publication d'un PV d'audition du gestionnaire de fortune dans une affaire de conflit d'intérêt impliquant un ministre de la République et Trésorier du parti présidentiel menace donc les intérêts du pays !
Autre affirmation, Frédéric Péchenard explique avoir consulté une « personnalité qualifiée », désignée par le président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), afin de « vérifier le bien fondé et le respect des obligations légales ». Dès l'après-midi même, le délégué général de cette autorité a démenti : personne, à la CNCIS, n'a été approché avant cette enquête. Pire, la CNCIS vient juste de demander au premier ministre de rappeler aux opérateurs téléphoniques « la stricte consigne de ne jamais répondre directement à des services de police » ! Le Point ajoute une pièce au dossier : Frédéric Péchenard aurait bien prévenu sa hiérarchie au ministère de l'Intérieur. Mais, ajoute l'hebdomadaire, « le ministère de l'Intérieur n'aurait jamais transmis à Matignon la moindre demande concernant le téléphone portable de David Sénat.»
Bref, l'affaire sent mauvais. Et on est toujours frappé par cette aptitude sarkozyenne à produire des gaffes en cascade.
Nul sur les expulsions
Un lundi 30 août, Eric Besson pavanait aux côtés de Brice Hortefeux, lors d'une conférence de presse sur les expulsions estivales. Après avoir amanqué de se faire chiper le dossier sécuritaire et migratoire au mois d'août par son collègue de l'Intérieur, Eric Besson s'était remis en scelle.
Trois semaines plus tard, les deux compères de la surenchère sarkozyenne du moment étaient tous les deux en difficulté : le premier, pris la main dans le sac, a dû rédiger et signer de sa main une nouvelle circulaire aux préfets, après un entretien que l'on devine houleux à l'Elysée. la publication d'une précédente circulaire définissant des objectifs d'expulsions prioritaires des roms avait sérieusement mis à mal la thèse gouvernementale.
Sur ce coup, Eric Besson n'avait pas trouvé comment rationaliser la démarche gouvernementale. Sa seule défense fut d'expliquer qu'il n'était pas au courant: « Je n'en étais pas destinataire et je n'en avais donc pas en connaître ». Mercredi, on apprenait que l'un de ses collaborateurs, Lucien Guidicelli, son chef adjoint de cabinet, était présent à la fameuse réunion du 4 août dernier qui précéda la publication de la funeste circulaire. L'ordre du jour de la réunion, publié par le Canard Enchaîné du 15 septembre, était explicite : « mettre un terme aux implantations sauvages des campements de Roms. »
Mardi, une autre mascarade s'est déroulée sous les yeux de journalistes : sur France info, Alain Testot, directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, joue les Gentils Organisateurs, se félicitant de la « centaine » de roms, rassemblés dans trois autocars tous neufs pour rejoindre l'aéroport de Marignane et être renvoyés vers leur Roumanie natale: « Ce ne sont pas des expulsions, mais des retours humanitaires ». En fait, les autocars étaient presque vides, 69 roms, sur les 200 attendus, s'étaient rendus à la convocation, pour la plupart des femmes et des enfants. Et l'un des jeunes expulsés interrogé par le journaliste explique au micro du reporter qu'il a touché 300 euros mais qu'il reviendra... dans un mois.
Mais ami sarkozyste, mais où es-tu donc ?