C’est officiel, la Recherche Climatique est la première science post-moderne ; le post-modernisme étant ici – de la façon même dont Wikipedia en est imprégné – une définition toute relative de la vérité. Le post-modernisme, ou relativisme, rejette la notion de vérité objective. Tout le monde a raison en même temps! A chacun sa vérité! Suivant cette mode, ce que nous appelons la « vérité scientifique » ne serait guère plus qu’une convention au sein de la communauté des chercheurs, résultant de forces sociales, culturelles et politiques…
La déclaration teintée d’ironie se veut une réaction à la dernière pseudo-étude en date sur le réchauffement: les auteurs de l’étude ont compté les pro et les anti-réchauffement et ont basé leurs conclusions sur leur nombre respectif et leur influence estimée. Et bingo! Les réchauffistes l’emportent! Si ça ce n’est pas de la science!
Parmi les auteurs de ce brillant papier (qui a aussi l’avantage de lister les réfractaires), on trouvera Steven Schneider, qui déclara par ailleurs à propos du réchauffement climatique:
« Nous devons offrir des scénarios effrayants, faire des déclarations simplifiées et dramatiques, sans mentionner les doutes que nous pourrions avoir. (…) Chacun d’entre nous doit trouver le bon équilibre (sic) entre efficacité et honnêteté. »
De tels individus détournent le prestige et la crédibilité dont ils jouissent en tant que chercheurs pour faire avancer leurs objectifs politiques. Ils ne sont pas des scientifiques, mais des activistes.
La méthode scientifique demande la modélisation d’une théorie et sa validation expérimentale. La science post-moderne est contradiction dans les termes. Comme l’eau sèche, elle n’existe pas.
Mais admettons un instant l’hypothèse d’une vérité « relative » (espérons juste qu’on ne construise pas des avions sur ce principe!) La validité des découvertes se déciderait par un vote formel à la majorité, ou à défaut par un consensus. Cette approche pseudo-scientifique verrait également apparaître le trafic d’influence propre à ces prises de décision: pressions sur les personnes, dénonciation et traque des « dissidents », tentatives de museler les voix discordantes… Et c’est ainsi que nous voyons ressurgir l’ombre de Lyssenko sur la science. Revenons sur la carrière de ce sinistre personnage.
Trofime Denisovitch Lyssenko nait en 1898 en Ukraine. Ayant constaté que des grains de blés humidifiés en hiver avaient tendance à germer plus vite, il annonce en 1928 avoir inventé une technique agricole révolutionnaire – la vernalisation – qui triplerait ou quadruplerait le rendement des récoltes. En réalité, la méthode est connue depuis 1854 mais son succès est lié à des circonstances particulières inapplicables à grande échelle; Lyssenko n’en a cure. Jamais à court d’hyperbole, il annonce qu’on peut planter des graines trempées dans la couche de neige recouvrant des champs gelés pour obtenir des récoltes miraculeuses. Mieux encore, selon lui le blé issu de cette récolte héritera de cette vernalisation et gardera ce rendement incroyable sur des générations!
La génétique et l’hérédité sont des sciences émergentes; Lyssenko n’y croit guère. Pour lui, l’environnement façonne l’existence. Il assure que les plants de blé qui poussent dans un environnement approprié produiront des graines de seigle. Ses disciples vont dans des délires encore plus poussés, jusqu’à réintroduire la génération spontanée démontée par Pasteur un siècle plus tôt…
S’il n’avait été connu que par ses théories farfelues, Lyssenko n’aurait pas laissé son empreinte dans l’histoire. Mais l’épopée de Lyssenko est aussi celles de la science en URSS, c’est-à-dire celle de la recherche scientifique dans un milieu politisé à l’extrême. L’individu est ambitieux; ses promesses attirent sur lui l’attention du pouvoir de Staline. Ses origines paysannes plaisent et favorisent son ascension. En 1938, il est nommé à la tête de l’Académie Lénine des sciences agronomiques. Il règnera sur ce domaine pendant plus de vingt ans. Comme l’explique Claude Marcil:
Lyssenko et ses partisans accèdent aux postes clé de la science et de la bureaucratie soviétique. C’est la fin des biologistes classiques, qualifiés, dans le style stalinien, de « mendélo-morgano-weismanistes ». En quelques mois, trois mille d’entre eux sont chassés, révoqués ou licenciés, certains sont emprisonnés ou déportés. L’enseignement est expurgé. Des instituts de recherche fermés. La génétique est pratiquement interdite dans le pays. (…) De 1948 à 1952, toutes les notions de la génétique classique sont rejetées: on élimine le mendélisme « théorie du moine » et la mutation, qui fait place au hasard; on nie l’existence du gène, la continuité des chromosomes; on écarte la conception monospermique et bourgeoise de la fécondation, pour affirmer que plus il entre de spermatozoïdes dans un oeuf, plus sera vigoureux le produit; on proclame la transmission des caractères acquis, on soutient que les conditions du milieu « ébranlent » l’hérédité des organismes et font surgir de brusques variations en rapport avec le milieu externe.
Lyssenko fait plus qu’assumer la politisation de la recherche, il s’en fait le porte-drapeau. Il oppose sans cesse « la science bourgeoise, fausse par essence, et la science prolétarienne, vraie par définition ». Ses contradicteurs sont écartés ou physiquement éliminés. Il ne peut évidemment pas réaliser ses promesses, mais attribue les échecs agricoles soviétiques aux ennemis du peuple et autres traîtres. Quelques supercheries mises en scène dans sa ferme modèle près de Moscou suffisent à donner le change aux politiciens intrigués; sa proximité avec le pouvoir fait le reste.
L’influence néfaste de Lyssenko ne se limite pas au Bloc de l’Est. En bons valets, les partis communistes occidentaux et leurs sympathisants relaient, appuient et défendent aveuglément ses théories, mentent sur ses échecs, attaquent les contradicteurs et sous-entendent qu’ils sont manipulés par les « impérialistes ».
Lyssenko ne sera désavoué qu’en 1965. Son influence était telle qu’elle perdurera douze ans après la mort de Staline, son protecteur. Scientifiquement, il aura laissé derrière lui un champ de ruines. Aujourd’hui encore, sans doute au nom de la même fidélité idéologique, certains persistent à minimiser les conséquences mortelles de ses errements!
Les désastres conséquents à l’implication politique dans la science n’ont pas disparu avec l’union soviétique, loin s’en faut. Dans son sens moderne, le « Lyssenkisme » (la manipulation d’un processus scientifique dans le but d’atteindre des conclusions prédéterminées, guidées par des objectifs politiques) ne s’est jamais aussi bien porté, comme en témoigne le dernier livre d’Andrew Montford, The Hockey Stick Illusion, dont un brillant compte-rendu est évoqué ici.
Le titre de l’ouvrage fait référence au graphique phare du GIEC, la courbe en crosse de hockey en couverture – le graphique par excellence visant à répandre la panique du réchauffement climatique.