Le Musée Juif de Berlin reprend une exposition du Musée Juif de New York sur photographie et vidéo en Israël aujourd’hui (jusqu’au 24 Février). Il y a 16 artistes Juifs Israéliens, six Européens et aucun Arabe Israélien, ni Palestinien.
Le résultat est une exposition fort intéressante, qui présente, pour l’essentiel, un monde de certitudes et de vérités à ne pas remettre en question. Le discours est plutôt humaniste (si seulement les choses pouvaient aller mieux, sans évoquer le comment). Le Mur y est esthétisé : la vidéo de Catherine Yass, Wall, est presque un hymne à la beauté du béton. Il se trouve que dans la salle voisine du Musée, un mur de béton (vestige d’une ancienne construction?) pénètre dans la pièce brutalement, la coupant en deux : cela crée une sensation étrange. Les Arabes, israéliens ou palestiniens, sont quasiment absents de l’exposition. Les seuls visibles sont deux fillettes de 8 ans et un jeune adolescent (le seul qui ose exprimer un point de vue politique) photographiés par Gillian Laub, des travailleurs passant un checkpoint qui ne sont vus que comme des silhouettes fugitives indifférenciées (vidéo de Boaz Arad et Miki Kratsman), et deux couples âgés, dont l’un a perdu une fille tuée par “une balle perdue” (photos de Miki Kratsman). La seule vraie présence d’une Arabe est dans cette photo, Qalqilya, de Pavel Wolberg (qui avait exposé à Paris aux côtes du Palestinien Raed Bawayeh), où la jeune femme, sûre d’elle-même et presque flirteuse, défie l’occupant, qui ne sait que baisser les yeux : on pense au Silence de la Mer.
Au milieu de ce discours plutôt consensuel, deux artistes israéliens font entendre, avec humour et courage, une voix dissonante. Yaron Leshem nous montre une photo d’un Village palestinien au flanc d’une colline; tout y semble calme. Mais, s’étonnant de l’absence de vie, on regarde de plus près, on remarque quelques personnages peints grossièrement sur les murs, ainsi un paisible fumeur de narguileh ou un enfant à une fenêtre. Ce n’est pas un village, c’est un terrain d’entraînement pour les commandos de Tsahal chargés du maintien de l’ordre en Palestine : ici, tout est faux, tout est décor, et on ne peut voir les Arabes qu’en peinture.
Yael Bartana, que j’avais admirée cet été, présente ici deux vidéos remarquables de force et de simplicité. Trembling Time se réfère à la cérémonie de Yom Ha-Zikaron, où, en l’honneur des soldats morts au combat, tout le pays doit respecter deux minutes de silence et d’immobilité. Elle filme des voitures s’arrêtant sur une autoroute, le trafic stoppé, les conducteurs descendant de leur véhicule. Mais, en superposition, on voit comme des fantômes de voitures qui, elles, ne s’arrêtent pas : seraient-ce des rebelles, des contestataires ? L’autre vidéo, “Freedom Border”, montre le vol d’un dirigeable blanc équipé d’une caméra pour surveiller la Palestine. Devant la caméra de Bartana, sa forme devient celle d’une bombe, menaçante.
Il est vraiment dommage que cette exposition n’ait pas été une occasion de rencontre, de rapprochement, comme le furent celle de Paris mentionnée ci-dessus (avec Wolberg et Bawayeh), celle-ci à Oxford (avec Yael Bartana et Emily Jacir, plus Lee Miller) ou celle-là à Krefeld. Une occasion manquée.
Photos provenant du site du Musée.