La première chose qui frappe dans ce nouveau roman, c’est son rythme haletant. Dès les premières pages, King prend le parti de plonger directement dans son intrigue sans perdre de temps à présenter les personnages. Une tactique payante, puisqu’on est happé par le livre comme rarement, et qu’il est très difficile de le lâcher une fois commencé, vu la vitesse à laquelle les événements s’enchainent. Cela n’empêche bien évidemment pas l’écrivain d’introduire petit à petit une galerie de personnages impressionnante, avec toute sa maestria habituelle. Les deux héros principaux, Dale « Barbie » Barbara et Eric « Rusty » Everett sont de purs héros kingiens, le premier étant un marginal happé par les événements, et le second un médecin idéaliste forcé de s’imposer pour respecter ses idéaux. A leurs côtés, on retrouve nombre de femmes fortes, une autre constante chez King, comme Julia Shumway, propriétaire du journal local, pugnace et indépendante, Piper Libby, pasteur en pleine crise de foi, ou encore Linda Everett, la femme de Rusty, qui devra choisir entre son instinct maternel et ses idéaux. Mais le personnage le plus intéressant du livre est sans conteste son bad guy, le terrifiant Big Jim Rennie. Rennie est un condensé de ce que la politique peut créer de pire : un homme intelligent, froid et calculateur, obsédé par le fait de contrôler la ville, qui n’hésite pas à avoir recours aux pires stratagèmes pour parvenir à son but, et surtout complètement fou. Un méchant d’anthologie, impossible à prendre en pitié, et qui rejoint immédiatement les rangs des plus grands bad guys créés par l’auteur, aux côtés de Randall Flagg et de Ça.
Mais cette histoire est surtout l’occasion pour l’auteur d’étudier avec précision les manœuvres politiques et mécanismes pouvant pousser un peuple à accepter un régime totalitaire, et de dresser un portrait terrifiant d’une Amérique prête à fermer les yeux du moment qu’on lui promet la sécurité (bien que les comportements en question puisse tout à fait s’appliquer à d’autres pays). Et c’est cela qui rend le livre réellement terrifiant et diffuse un malaise constant. Car si on excepte l’élément fantastique du dôme, tous les événements décrits dans le livre sont parfaitement crédibles. Et si le dôme agit comme un catalyseur sur les habitants de Chester’s Mill, entraînant la création accélérée d’un terrifiant état totalitaire, certains événements ont des résonnances plus qu’actuelles : utilisation de la peur des gens (et son entretien, notamment en déclenchant une émeute devant le supermarché pourtant plein à ras bord) pour faire passer des réformes et augmenter les forces de police, nomination d’hommes de paille dociles et stupides à des postes clés, création d’un épouvantail apte à cristalliser les peurs et haines des habitants (le héros, Dale Barbara, se retrouve accusé de meurtres qu’il n’a pas commis)… Tout ça couplé à un message écologique plutôt bien pensé et crédible, le dôme agissant aussi comme un catalyseur de la pollution créée par l’homme.
Under the Dome est peut-être le livre le plus sombre et le plus pessimiste de toute la bibliographie de Stephen King, tant les héros semblent impuissants à arrêter la machinerie mise en marche par le détestable Jim Rennie (et ils sont tout aussi impuissants à trouver un moyen de faire disparaître le dôme). Seul le final (malheureusement un peu rapidement expédié) viendra apporter une touche d’espoir, malgré un climax d’une noirceur abyssale.
Avec Under the Dome, Stephen King signe tout simplement l’un de ses meilleurs livres, une œuvre tout autant passionnante par les idées qu’elle soulève que follement divertissante à lire. Un livre qui démontre que même s’il n’a plus rien à prouver, Stephen King est toujours capable de surprendre mêmes ses fans les plus fidèles.