Je ne saurais dire pourquoi Nicolas Sarkozy hait les juges à un point aussi pathologique. C’était évident bien avant son élection. Il ne cessait, notamment en tant que ministre de l’Intérieur, de mettre en cause les magistrats. Dans les cartons de l’Elysée, le projet de supprimer le juge d’instruction – magistrat indépendant. Il n’arrête pas de tirer à boulets rouges contre les magistrats du siège (également indépendants) à chaque fois qu’il est en désaccord avec les décisions prises. Souvenez-vous de son mépris quand il osa comparer les juges de la Cour de cassation – la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire ! – «à des petits pois dans une boîte»… Dieu ! Quel mépris. Il n’aime les juges qu’à sa botte.
Nicolas Sarkozy qui depuis un peu plus de 3 ans dégrade chaque jour un peu plus l’honorable fonction présidentielle - pour lui ce n’est qu’un «métier» ! – est en totale contradiction avec l’article 64 de la Constitution : «Le Président de la Répu-blique est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire» ! Depuis 2007 il n’a eu de cesse d’annihiler tous les contre-pouvoirs indépendants (hautes autorités, etc. sans même parler des journalistes ! c’est à la mode aujourd’hui : il fait fliquer leurs sources par les services secrets) et de saborder au maximum toutes les institutions de la République. Attila ne s’y prendrait pas autrement : il n’est pas certain que la démocratie «repousse» après son passage.
J’étais outrée en lisant les titres sur Google Actualités Affaire Clearstream : Villepin s’oppose à un «tribunal d’excep-tion» (Le Parisien du 10 sept 2010)… Certes, je n’appartiens pas au même bord politique que Dominique de Villepin mais l’acharnement – maladif – avec lequel Nicolas Sarkozy cherche à le faire tomber pour se débarrasser d’un adversaire politique qui lui fera vraisemblablement de l’ombre en 2012 (car sans être ce me semble en mesure de gagner il ne peut qu’affaiblir le chef de l’Etat) relève de la manipulation des plus scandaleuses. Aucun procédé ne lui répugne. Il n’a visiblement retenu du «Prince» de Machiavel (encore que je doute qu’il l’ait lu) que «La fin justifie les moyens» !
Ce serait le premier président de la Cour d’appel de Paris, Jacques Dégrandi – il porte bien son nom ! – qui aurait pris cette décision. Soufflée par qui ? Pour un motif tout à fait fallacieux, à savoir l’encombrement des chambres financières lis-je (Le Monde du 10 septembre 2010) Audience sur mesure pour le second procès. Visiblement, il nous prend pour de parfaits cons ! car l’affaire Clearstream n’est aucunement financière mais porte sur une accusation de «complicité de dénonciation frauduleuse» pour laquelle il avait été relaxé en première instance, l’Elysée ayant ensuite poussé Jean-Claude Marin, procureur général de Paris à faire appel.
Or, selon ce que je lis sur un article de Franck Johannès (Le Monde du 10 septembre 2010) Audience sur mesure pour le second procès Clearstream «une autre chambre correc-tionnelle, la chambre 2-7, présidée par Alain Verleene, est spécialisée dans “la protection des droits de la personnalité et de la présomption d’innocence” à laquelle est traditionnellement rattachée la dénonciation calomnieuse. Est-elle débordée ? “Je n’ai pas entendu parler de ce dossier, bougonne le président Verleene, un ancien juge d’instruction à l’indépendance d’esprit notoire, il n’y a eu aucune discussion, je n’en sais rien.”».
Si ce n’est pas mensonge et manipulation, je vous demande bien de quoi il pourrait s’agir ! Nonobstant ce qu’en peut écrire Franck Johannès en tête de son article : «Le premier prési-dent de la cour d’appel de Paris, Jacques Dégrandi, dans sa sagesse – c’est moi qui souligne ! - et pour ménager des magistrats aux audiences surchargées, a décidé en juin de confier ce dossier sensible à trois juges choisis par ses soins (…) une juridiction composée sur mesure inquiète les esprits chagrins qui se demandent inévitablement sur mesure de qui».
C’est proprement révoltant, justifiant à l’envi les protestations de Dominique de Villepin qui mesure bien le “mauvais procès” – lequel en l’occurrence n’est pas seulement “d’intention” ! – que lui font Nicolas Sarkozy et ses chiens de garde. Je ne suis pas la seule à éprouver la méfiance la plus totale ! Nullement surprise au demeurant par ce nouveau procédé du Troll de l’Elysée (je ne m’étendrais pas sur l’affaire Clearstream) : stupeur autour d’un projet de cour d’appel “ad hoc” (NouvelObs du 10 septembre 2010). Nicolas Sarkozy n’avait pas remisé bien loin son «croc de boucher»… Ses tristes magouilles et basses œuvres devraient être sans nul doute possible condamnées par la Cour européenne des droits de l’homme au nom de la méconnaissance du principe d’égalité mais vraisemblablement… après 2012 !
«Chambre ad hoc» ou «tribunal d’exception» voilà qui rappelle furieusement non seulement les plus sombres heures du Régime de Vichy et de l’Occupation – encore ! – mais tout autant la “justice retenue” de l’Ancien Régime et ses “chambres ardentes” dont celle dite «des poisons» instituée par Louis XIV en 1679 et installée s’il m’en souvient à L’Arsenal pour juger La Voisin (qui tenait boutique dans le très populaire quartier des Halles) ainsi que ses nombreux comparses aussi bien en France qu’en Italie.
Louis XIV fit stopper la procédure publique quand il apparut que l’affaire touchait des personnes importantes de la Cour, y compris La Montespan, maîtresse du Roi. Contrairement à certains je ne la pense pas coupable d’avoir voulu attenter à sa vie mais bien plutôt de chercher des «phyltres d’amour» pour retenir son souverain amant qui entretenaient une liaison avec sa nouvelle favorite, Melle de Fontanges (Madame de Maintenon vint après). Peut-être voulut-elle empoisonner sa rivale ?
Il faut aussi faire litière de ce qu’écrivent certains – même dans l’excellent «Dictionnaire encyclopédique d’histoire» de Michel Mourre ! - selon lesquels la chambre ardente eut à connaître le cas de la marquise de Brinvilliers… C’est chrono-logiquement impossible : elle périt sur le bûcher en 1676. Ce qui donna l’occasion à la marquise de Sévigné d’écrire dans une de ses nombreuses lettres que l’air de Paris empestait cette fumée.
En revanche, c’est cette affaire qui fut en 1667 à l’origine de la nomination de La Reynie au poste de «lieutenant général de police de Paris» créé à l’occasion (l’équivalent de l’actuel Préfet de police de Paris) notamment pour enquêter sur les agissements des nombreux pourvoyeurs de poison. Dont beaucoup d’entremetteuses allant prier un certain Saint Raboni à Montmartre qui n’a eu vraisemblablement d’existence que dans leur imagination… Invocation destinée à faire passer de vie à trépas les «barbons» gênant leur plus jeune épouse. Lesquels étaient autrement efficacement «rabonisés» si on leur faisait dans le même temps revêtir une chemise empoisonnée par une «poudre de succession».
Je ne peux que vous conseiller l’excellent et passionnant ouvrage de l’historienne Arlette Lebigre «L’affaire des Poisons 1679-1682» Ed. Complexe 2001. Petit (174 pages) mais costaud ! Ce n’est pas sans raison que je considère que l’histoire est un roman. J’en avais tiré matière pour plusieurs articles parus sur la Gazette d’Amitiés Sans Frontières mais du diable si j’ai le temps de les reprendre d’autant qu’ils avaient dus être enregistrés sur des disquettes non compatibles avec ma version actuelle de Word. Il me faudrait les taper en partant de la version papier… Chronophage en diable !
Comme la matière est fort riche, je poursuivrais mon propos dans deux articles :
Justice & Sarkozy ne font pas bon ménage ! La suppression du juge d’instruction (2)
Justice & Sarkozy ne font pas bon ménage ! Il «bat la campagne» au sujet des jurés (3)