Magazine Journal intime

Sur la plage, s'exposer aux regards des autres

Par Isabelledelyon

L'année qui a suivi mes traitements, j'avais mon pac et je suis allée à la plage. J'étais très gênée, le sentiment que tout le monde le voyait. Mes seins avaient un volume différent et j'étais persuadée que tout le monde s'en apercevait. C'était ma perception, je n'étais pas à l'aise avec ce corps qui avait subit quelques transformations non désirées et ce cancer qui cohabitait.

L'année suivante, toujours un peu ce sentiment mais je faisais moins attention à la bretelle de mon haut de maillot. Je n'avais pas besoin de la remettre perpétuellement en place pour cacher la cicatrice du pac.

L'année dernière, c'était le troisième été que je m'exposais. Je ne touchais plus ma bretelle de soutien-gorge, tant pis si la cicatrice du pac était apparente. Je m'étais enfin racheté des maillots de bain et j'avais envie de savourer mon plaisir estival. La vie avait pris le dessus sur le cancer. J'accordais plus d'importance au fait de profiter du moment présent qu'au regard des autres. J'avais mis quand même presque trois ans pour passer outre, pour m'accepter enfin avec ce nouveau corps.
Cet été, je n'en avais strictement rien à faire de mon pac. Mes seins sont maintenant de même volume. Avec le lipomodelage, le sein malmené a retrouvé la souplesse d'avant, même autour de la cicatrice. L'aspect cartonné a complètement disparu. J'enlevais même les bretelles de mon maillot pour ne pas avoir de marques et je les accrochais dans le dos mais sans passer autour du cou. Forcément, ça rendait le pac encore plus visible mais ce n'était plus du tout dans mes préoccupations. Je l'ai intégré, je ne le ressens plus comme un truc honteux à cacher. L'année prochaine, je vais m'acheter des maillots bandeaux, Banana Moon, bien sûr...
J'ai repensé à cette évolution un jour en particulier, à la plage, dans les Landes. Je quittais la plage, je marchais dans le sable en me dirigeant vers la sortie. J'ai alors vu un homme avec un moignon à la place d'un bras. Il était seulement en maillot de bain, constitution normale. Il était avec sa femme et ses deux enfants. Il devait être un peu plus âgé que moi. Il était debout et s'affairait. Je n'ai pas été choquée par la vue de son moignon mais par son assurance, par sa capacité à l'afficher et à laisser les regards glisser sur lui. J'ai été admirative de sa force de caractère, de son envie de vivre. Je me suis dit que ça avait été bien difficile pour moi de me mettre en maillot avec un pac et des seins de volume différents mais pourtant assez facile à soustraire aux regards, alors lui... Ce moignon ne pouvait que se remarquer mais son naturel faisait rendre plus visible encore sa vivacité, son charisme.
J'en ai parlé par la suite avec mon mari, il m'a dit qu'il l'avait vu, lui aussi, il avait passé beaucoup de temps à nager dans les vagues.
J'ai aimé voir ce monsieur prendre le parti de la vie, ne pas se regarder le nombril et continuer à profiter de ce que la vie peut nous offrir chaque jour. J'en ai parlé avec mes filles. Il donnait une belle leçon à qui voulait l'interpréter...


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