Il y a quarante ans, le 23 septembre 1970 Bourvil nous quittait, sur une pirouette dont il avait le secret. Lui le comique-troupier, le nigaud de service et l’humoriste tendre signait son dernier rôle au cinéma en incarnant un inspecteur de police faussement retors. A cette entorse, il faut ajouter un générique où son prénom André apparaît, ce qui je crois était très rare.
Le casting est tout aussi intéressant : Yves Montand dans un personnage secondaire, mais très présent, et Alain Delon encore jeunôt dans la peau d’un truand qui une fois sortie de prison, jure bien que l’on ne l’y reprendra plus. Le plus étonnant peut-être, au regard de sa future carrière c’est la présence de Gian Maria Volonté , un voyou en cavale et qui bien évidemment va croiser la route de notre Delon national.
:Une intrigue plutôt classique donc, où il est question de préparer un casse chez un bijoutier, pendant que la police tente de récupérer l’évadé. Ce qui demeure aujourd’hui un excellent film policier, avec une intention particulière portée sur les personnages. Dans les bonus on apprend qu’il n’y avait guère de tendresse sur le plateau, mais l’interprétation ne s’en ressent pas. Ou alors c’est la patte Melville qui donne à voir des hommes, au jeu limité, plutôt silencieux, et cyniques, sur le regard qu’ils portent sur le monde. Pessimistes aussi, à l’image de Jean-Pierre Melville, apprend-on encore. Ca leur confère une certaine classe.
A ce directeur d’acteurs particulier, s’ajoute un metteur en scène aux partis pris parfois audacieux.L’arrivée des cambrioleurs dans la salle des bijoux est filmée marche après marche, sans la moindre ellipse. Melville prend encore tout son temps pour décortiquer la manière de briser la vitre, puis de maîtriser tous les systèmes d’alarme. Le tout dans un silence quasi monacal, la musique n’étant pas l’œuvre majeure de ce film. Et de dialogues, pas question !
Un regard froid et clinique, toute une ambiance se met en place,. Si ce n’est pas le suspense, du moins c’est l’attente qui nous retient. Melville y prend du plaisir, c’est évident, et ça devient contagieux.
LES SUPPLEMENTS
Ils sont très intéressants, mais aucun ne révèle la signification du titre, indiquée au générique. Il s’agit d’ une phrase de Krishna « Quand des hommes même s’ils s’ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d’entre eux, et ils peuvent suivre des chemins divergents. Au jour dit inexorablement, ils seront réunis dans le cercle rouge. »
Présentation par Ginette Vincendeau.
Elle décortique par le menu le style Melville, jugé« tyrannique sur le plateau, un patron très dur au caractère difficile ». Ses influences américaines relevées à travers ses nombreux films de gangsters, rejaillissent dit-elle sur la personnalité de ses personnages. « Il donne une forme très mélancolique de la masculinité. Ce sont des hommes perdus, damnés (…) et Melville justifie souvent dans ses films la futilité de l’effort (…) voué à l’échec ».
Elle conclut sur la conception morale du cinéma de Melville : un divertissement avec un sens profond.
Sous le nom de Melville (76 mn)
C’est tout le personnage qui apparaît dans cet excellent documentaire, une leçon de cinéma à travers des témoignages (Johnnie To, Schlöndorff, D’Ormesson, son secrétaire…), des extraits de films, et des photos de l’époque. Une carrière étonnante, une filmographie exemplaire qui s’achève sur un échec « Un flic » qui pour certains aura eu des répercussions sur sa santé. Jean-Pierre Melville va mourir peu après.
Interviews de Bernard Stora, Rui Nogueira et José Giovanni .Ce dernier n’est pas tendre avec le cinéaste , qu’il trouve ” humainement abjecte”, manipulateur et pauvre clown . « Sa mégalomanie délirante a servi son travail, mais sur le plan humain, ce n’était pas ça. Quand certains ont voulu lier les rapports humains et artistiques, Melville les a rejetés ». Giovanni qui était fâché avec le cinéaste, cite souvent le cas de Lino Ventura, qui lui aussi avait pris ses distances. Pressenti pour jouer le commissaire de police , Ventura déclinera l’offre.
19.99 €