Une distinction cannoise relayée par un tintamarre médiatique et il n’en faut pas plus pour saluer l’avènement d’un nouveau cinéma. Sur un noble et grave sujet qui plus est, et donc la grâce soit avec vous.
Il en va souvent ainsi du bouche à oreille très flatteur, qui vous fait imaginer un chef-d’œuvre en attente. Ce qui à mon avis est loin d’être le cas. Mais l’attente aidant, le chef-d’œuvre prend des allures de monument. Celui érigé à la gloire de ces moines français assassinés en 1996 dans l’Atlas algérien, par le GIA (groupe islamique armé). C’est du moins la thèse officielle, une seconde enquête ayant permis de mettre à jour un comportement plus que suspect de la part des militaires algériens.
Xavier Beauvois ne prend pas position ; les uns et les autres ont leur temps de parole au cœur du cérémonial de ces religieux, que le réalisateur suit avec un classicisme frileux et l’application respectueuse du metteur en scène. Je pense qu’au théâtre cette « pièce » aurait effectivement une autre force, un élan plus évident dans le rituel bien ordonné du quotidien rude et austère de cette petite communauté cistercienne, totalement intégrée à la vie locale.
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Ce que le cinéaste dépeint lourdement (on a vite compris que le monastère est aussi dispensaire, tenu par l’excellent Michael Lonsdale ) ; à force de redites, il en devient pesant. Rythmée par la prière et les tâches journalières, c’est une vie sans histoire qui se déroule ainsi dans un décor montagneux sublime, quand l’assassinat d’ouvriers étrangers vient tout remettre en cause. Les autorités s’alarment et tentent de convaincre les pensionnaires de quitter leur monastère. D’emblée le père prieur (Lambert Wilson qui endosse parfaitement la robe de bure) s’y refuse.
Le film commence enfin, confrontant chaque personnage ,et le spectateur avec, à sa propre conscience et au dilemme de leur position. Ce sont des hommes tenaillés par la peur et le doute. Ce sont des moines animés par une foi profonde, un amour de Dieu et de leurs prochains, qui ne les met pas à l’abri des turpitudes humaines, mais leur permet cependant de leur résister ouvertement. Jusqu’à accepter le martyre …
Les deux plus anciens de la communauté, les plus sages
Le réalisateur alors ne les quitte plus , pour les conduire au cœur de leurs tourments, et du mystère divin qui les retient arc-boutés dans leurs retranchements spirituels. Ca peut aider à survivre, avec ô surprise une bonne et rare bouteille de vin débouchée par le médecin du bord, en prime. Mais ce sacrifice à taille humaine connaît ses limites. C’est du moins ce que Beauvois laisse entendre sans jamais se départir d’une neutralité bienfaisante, malgré une scène héliportée très allusive. Au spectateur de suivre . L’homme ou le moine.