Mais c’est avant tout un film noir, un thriller très sombre, dans lequel s’englue un écrivaillon américain sans le sou, convié par un ami à venir se ressourcer à Vienne. A son arrivée, celui-ci vient d’être renversé par une voiture. L’accident banal aux yeux de la population semble plus que suspect pour le romancier qui apprend qu’un troisième homme, dont on ignore tout, a aidé à transporter le corps.
Atmosphère, atmosphère... Alida Valli et Joseph Cotten
La seconde guerre mondiale vient de se terminer et la capitale autrichienne est un champ de ruines. Là où les rats et les trafiquants ont le même visage. Celui des hommes au regard inquiet, suspicieux, dangereux. Carol Reed ne les traque pas, il les attire dans la beauté de ses cadres sublimes, de larges plans nocturnes où tout devient possible.
Et sa caméra prend aussi un malin plaisir à s’arrêter au coin d’une rue pour mieux laisser l’ombre envahir la grande bâtisse qui lui fait face. Ce sont des images déviantes, qui rasent le pavé mouillé par la nuit, pour dire le cauchemar qui nous envahit, le suspense jamais révélé.
On le doit à son auteur Graham Greene, qui a spécialement écrit son roman pour le film ( voir les bonus ) et en fait un scénario qui au fil des images s’épaissit comme la brume du petit matin balayant les maisons délabrées. Toute l’atmosphère d’une ville prisonnière de son récent passé et propice à tous les méfaits.
Vienne ainsi apparaît comme un personnage à part entière, un décor parfait pour un thriller, selon Reed et Green que n’aurait pas renié Alfred Hitchcock, qui hante ici certaines scènes, dans le formidable décor des égouts, ou celle inoubliable qui nous révèle Orson Welles dans la faible lumière d’un lampadaire.
Il est intéressant de voir ce dernier apparaître dans « Le troisième homme » avec une interprétation irréprochable à l’égale de ces partenaires dont, Joseph Cotten , héros malgré lui d’une tragédie qu’il ne fait qu’effleurer , et peut-être plus encore Alida Valli , qui dans le rôle de la petite amie du défunt adoucit le décorum, dans la mélancolie de son visage , et la beauté de son regard.C’est un film véritablement porté par ses personnages parfaitement typés, sans caricature, ni emphase. C’est une page de l’histoire de l’après-guerre que Green retranscrit en investigateur averti. Le suspense, toujours tendu sur le fil de l’énigme, n’est jamais haletant, et sa caméra en rajoute dans la concision quand au moment de la révélation elle détourne l’objectif pour laisser filer un chat. Mais un chat, ça se faufile et ça vous révèle alors bien des choses ….
LES SUPPLEMENTS
A la poursuite du troisième homme
Un chapitre qui part un peu dans tous les sens pour raconter la genèse du film et ses développements. D’emblée Orson Welles revient sur la polémique de l’époque et se défend d’avoir affirmé qu’il avait dirigé certaines scènes du film. « C’était dans une autre langue et on m’avait mal compris. J’ai simplement écrit tout mon texte ». Dont l’improvisation géniale au sommet du manège.
On apprend aussi que Green a écrit sur place son histoire qu’il présentait chaque soir au réalisateur. Le plus dur fut d’aller rencontrer David O. Selznick , un grand producteur qui d’emblée demanda à changer de titre « Qui va aller voir un film appelé –Le troisième homme- ? ». Il suggère … « Une nuit à Vienne » !
« Le troisième homme » à la radio par Orson Welles. Il s’agit de l’épisode « A ticket to Tanger », avec notamment un savoureux dialogue avec l’hôtesse de l’air (« oublions le champagne et allons faire un tour dehors »).
Le tour de Vienne, interactif, par Brigitte Timmermann.
A travers quatorze lieux situés sur la carte de la ville, on découvre le film, son histoire, les lieux de tournage et la cité d’aujourd’hui. C’est hyper intéressant, notamment la visite du musée du « Troisième homme » , où le guide reconnaît que le film encore aujourd’hui n’est pas très connu à Vienne . « Nous n’y sommes pas représentés comme on le souhaiterait ».
Interview audio de Joseph Cotten, et Graham Green qui revient lui aussi sur l’épisode Welles, scénariste ou pas, et sur son opposition avec Carol Reed sur le final. « Je le souhaitais plus heureux, mais c’est bien lui qui avait raison de conclure ainsi ».
Le thème musical, fameux et depuis devenu une rengaine. Il est joué ici par Cornelia Mayer.