À l’heure où on punit les outrages aux symboles nationaux, brûler ou maculer les trois couleurs ou siffler la Marseillaise, Patricia Dorfmann a du souci à se faire. L’exposition Référendum (où vote-t-on ? c’est une référence à la performance de Journiac chez Templon le 27 avril 1970, un an après De Gaulle) présente en effet Totem du Pouvoir de Michel Journiac et les travaux de deux jeunes artistes autour de ce thème (jusqu’au 25 septembre). ‘Totem du pouvoir’ a rarement été montré : un bloc de trois statues de Marianne en plâtre, ligotées SM, affublées de pénis en érection (détail ci-contre), debout devant un drapeau français. Tout dérange ici, le drapeau bien sûr, le symbole de la république, mais aussi la proximité des corps, l’utilisation du corps androgyne comme vecteur de provocation, de contestation; on retrouve ici, en plus politique, bien des éléments de son travail. Peut-être serait-il temps de redécouvrir Journiac.
C’est ce à quoi s’emploient ici Stéphane Bérard et Raphaël Boccanfuso. Le premier, dont j’avais pu expérimenter le Convertible à Sérignan, lutte contre l’outrage potentiel en ignifugeant les drapeaux les plus susceptibles d’être brûlés par des protestataires (bannière étoilée, étoile de David, Union Jack et bleu-blanc-rouge); il montre aussi l’équivalent vexillologique de la girouette, bleu blanc rouge d’un côté et rouge blanc bleu de l’autre.
Quant à Raphaël Boccanfuso, tout aussi iconoclaste, il a remplacé Marianne, buste plantureux de toutes les mairies, interprété au fil des ans par Brigitte Bardot, Mireille Mathieu, Catherine Deneuve, Inès de La Fressange, Laetitia Casta et Evelyne Thomas, par sa galeriste, Patricia Dorfmann soi-même, qui trôna dans quatre mairies (ici en haut du majestueux escalier d’honneur de la Mairie du 3ème arrondissement de Paris) et est toujours présente à la Mairie du 9ème arrondissement : détournement de l’art officiel, conférant l’autorité symbolique de l’état à une protagoniste du monde marchand de l’art. De Boccanfuso aussi, une forte installation murale où les trois couleurs se décomposent, se déconstruisent, accompagnée d’un présentoir de cartes postales tricolores : “Ensemble, déconstruisons l’avenir“.Comme quoi l’outrage est sain et revigorant, en ces temps maussades.
Photographies Journiac de l’auteur, Boccanfuso courtoisie de la Galerie. Michel Journiac étant représenté par l’ADAGP, les photos de son oeuvre seront ôtées du site au bout d’un mois (et vous ne les retrouverez pas ailleurs, je crois)