La Presse, p. PL-7 / Michel Kelly-Gagnon, 11 septembre 2010
Toutefois, une réalité incontournable risque d’être beaucoup moins discutée lors de cette conférence : le jour où ces énergies remplaceront le pétrole est encore loin. Très loin.
Même Vaclav Smil, de l’Université du Manitoba, une sommité en matière d’environnement et dont le travail est notamment louangé par le philanthrope Bill Gates, affirme que « c’est un mythe de croire que les nouvelles sources d’énergie et les innovations techniques peuvent éliminer le besoin pour des combustibles fossiles d’ici quelques décennies ». La transition énergétique, ajoute-t-il, « durera plusieurs générations ». Et elle coûtera des centaines de milliards de dollars.
Il ne s’agit pas ici d’opposer les vertus de l’énergie « verte » (et je mets ici le mot vert entre guillemets, car rien n’est à vrai dire jamais totalement vert) à celles du pétrole. Il faut tout simplement prendre conscience que la transition de l’une vers l’autre n’est pas pour demain.
D’abord, parce les besoins énergétiques de la planète vont en augmentant. Notamment dû à la croissance des pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil. La planète consomme aujourd’hui l’équivalent de 9,5 milliards de gallons de pétrole chaque jour en énergie. Or, sur 10 unités d’énergie qu’on utilise, près de neuf sont encore produites par des énergies à base de carbone – charbon, pétrole et gaz naturel.
La réalité est que, dans les années à venir, les besoins en énergie seront tellement grands que nous aurons besoin de toutes les formes d’énergies – gaz naturel, pétrole, nucléaire, électricité, ainsi que l’apport des énergies renouvelables. Au Québec, nous sommes privilégiés d’avoir un joueur de l’envergure d’Hydro-Québec.
Le Canada possède une des plus grandes réserves de pétrole au monde, ce qui nous permettra de nous enrichir en exportant cette source énergie dans les années à venir. Mais aussi, nous avons une occasion de renforcer notre rôle de leader en tant que développeurs de technologies qui réduisent l’impact environnemental de l’exploitation d’hydrocarbures de type non conventionnel, comme, par exemple, le pétrole lourd qu’on trouve dans les sables bitumineux.
L’autre obstacle au développement des énergies renouvelables est qu’elles ne peuvent compenser le pétrole en tant que source énergétique pour faire fonctionner nos économies.
Par exemple, l’éolien ne peut remplacer le pétrole. Les éoliennes produisent de l’électricité, mais l’électricité joue un rôle minime dans notre système de transport. Les écologistes aiment citer le Danemark comme un pays qui carbure aux éoliennes. Mais la réalité est que les Danois sont encore loin de pouvoir se passer des énergies hydrocarbures, car ces dernières fournissent aujourd’hui près de 48 fois plus d’énergie aux Danois que l’éolien, selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA).
Quant à l’énergie solaire, elle est porteuse d’espoir, mais coûte encore beaucoup trop cher. Par exemple, en 2009, il coûtait jusqu’à 20¢ pour produire un kilowattheure d’électricité, alors qu’à l’opposé, produire de l’électricité avec le gaz naturel coûtait entre 2¢ et 10¢, toujours selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie.
Même chose pour l’automobile électrique. Selon Robert Bryce, un expert en la matière et auteur de Power Hungry, l’essence possède entre 50 et 80 fois la densité énergétique – la quantité d’énergie qui peut être contenue dans une unité de volume – de la meilleure pile au lithium actuellement disponible. Les moteurs à essence, dont l’efficacité s’améliore par ailleurs d’année en année, vont donc dominer le marché pour encore des décennies.
Nous utilisons les hydrocarbures comme le pétrole et le gaz naturel parce qu’ils produisent beaucoup d’énergie, à un prix abordable, et en quantité dont nous avons besoin. Qu’on le veuille ou non, cette source d’énergie demeure le fondement d’une économie globale et prospère.