La France coule, Sarkozy fait des bulles

Publié le 14 septembre 2010 par Copeau @Contrepoints

Après de nombreuses années d’études, les scientifiques sont formels : la production principale des hommes de pouvoir, ce sont les bulles. Celles de champagne, évidemment, qui alourdissent la facture carbone des chancelleries, ambassades et ministères, mais qui permettent de détendre l’atmosphère, faire tourner les têtes et donner un petit côté festif aux gabegies qu’ils organisent avec décontraction sous les ors douillet d’une république pas trop regardante. Et les autres, comme les bulles de dettes, les bulles financières, ou, pour coller avec l’actualité, les bulles immobilières.

Rappelez-vous, c’était en 2007, en pleine campagne présidentielle. Sarkozy, frétillant candidat à la magistrature suprême, clamait haut et fort qu’en travaillant plus, on gagnerait plus, ce qui permettrait de devenir propriétaire.

Si être propriétaire, du point de vue individuel, peut être vu comme un aboutissement, après la famille, la voiture et le gros chien mou qui bave un peu partout, du point de vue de l’état, en revanche, c’est toujours une excellente affaire : qu’il vente ou pleuve, que les marchés montent ou descendent, le contribuable qui devient propriétaire acquiert automatiquement une vertu quasi-imputrescible : il est taillable et corvéable à volonté, puisqu’enchaîné pour un temps plus ou moins long à son patrimoine. Sur le plan local, il devient immédiatement un contributeur joyeux (et forcé) à la bonne santé financière des entreprises de BTP locales massivement subventionnées par les marchés publics passés par les communes, départements et régions dont il dépend et auxquels il verse des taxes, par sa simple présence sur un terrain qu’il a, d’ailleurs, déjà intégralement payé.

Sur le plan national, il est immédiatement rangé dans la catégorie des gens dont on pourra, si le besoin s’en fait sentir, saisir tout ou partie des biens pour rembourser l’impôt national ou les dettes colossales contractées par ces politiques, justement lorsqu’ils la boivent en champagne pétillant et putes sémillantes.

Mieux : comme il ne pourra pas devenir SDF tout de suite, il sera retiré du circuit de ceux qui coûtent à l’état pour être placé dans le circuit de ceux qui rapportent.

On comprend donc pourquoi l’État nourrit une admiration teintée de gourmandise à l’idée que les gens deviennent propriétaires. On comprend aussi la logique qui agite dès lors les politiciens et qui vise à faire devenir propriétaire le plus de gens possible.

De l’étape « Facilitons l’accession à la propriété » à l’étape « Bulle Immobilière« , il n’y a alors plus qu’un petit pas que nos politiciens, toujours aussi scrupuleux de s’assurer un moyen d’existence durable, s’empressent de franchir joyeusement.

Et voilà donc l’intervention étatique lançant moult facilités pour les aspirant-propriétaires, depuis les réductions d’impôts au travers des intérêts d’emprunt jusqu’aux lois taillées sur mesure, en passant par les prêts à taux nul, archétype parfait de la bonne mauvaise idée étatique pour gonfler rapidement les prix.

Car en réalité, bien loin d’aider les primo-accédants, l’ensemble des dispositifs rendent le prêt plus facile, plus simple, moins cher, et transforment rapidement l’accession à la propriété en bonne affaire financière dès lors qu’on sait appliquer mécaniquement quelques principes, consistant simplement à revendre plus cher ce qu’on a acheté, ou à utiliser la location pour payer les traites pour, une fois le bien remboursé, … le revendre plus cher qu’il n’a coûté.

Il est bien loin l’idéal politique de celui qui achète le bien pour y passer le reste de ses jours. Ceci arrive toujours, bien sûr, mais de moins en moins.

Pourquoi ? Précisément parce que le petit jeu précédent dure depuis 10 ans, et que les prix n’ont pas cessé de s’envoler, chassant là aussi mécaniquement les primo-accédants.

Dernièrement, c’est un marché étrange que celui de l’immobilier : chaque politicien prétend faire en sorte que même les plus pauvres puissent y entrer, et fait absolument tout ce qu’il peut pour que les prix ne s’effondrent pas.

Paradoxe moderne : on veut moins de pauvres, mais qu’ils payent plus cher.

Il apparaît aussi clair que le nombre d’interventions et de lois fiscales bricolées spécifiquement pour le marché de l’immobilier n’a pas arrêté d’augmenter dans la même période ; il y a même une assez forte corrélation entre ce nombre de bidouillages étatiques incessants, et l’explosion des prix dont on peut suivre la courbe ici.

Concrètement, tout se passe donc comme si les politiciens avaient injecté des sommes massives dans ce marché, sommes qui sont venues gonfler les prix. Et dès que ces prix ont montré un petit signe de retournement sur les derniers mois, la panique s’est emparé de Bercy et de la présidence : un effondrement immobilier, maintenant, ce serait la cata !

Conclusion ?

Relançons la machine à bulle avec un nouveau prêt à taux zéro !

Bien ciblé, cette mesure permettra de conserver des valeurs de vente stratosphériques tout en faisant croire aux primo-accédants qu’ils sont raisonnables de s’endetter sur 30 ans pour acheter à trois fois son prix une maison en carton bouilli à 70 bornes de leur travail.

Évidemment, le remplacement des bricolages idiots – qui coûtaient 2.8 milliards d’euros – par cet habile … bricolage idiot permettra de ne dépenser que … 2.6 milliards d’euros. Et 200 millions d’économies, ça fait des caisses et des caisses de champagne, sans compter le cumul conséquent de points de fidélité aux clubs d’escort-girls.

Une autre solution, nettement plus libérale, aurait été de supprimer les lois diverses et variées qui émaillent le code fiscal dans le chapitre Pigeonnons Les Proprios, et de remplacer les prêts à taux zéro par … rien.

D’une part, cela aurait assaini un peu les finances de l’état. C’est pratique, en cas de coup dur, des finances saines. Ca évite les ventres creux, les gens dans la rue et les têtes au bout des piques.

D’autre part, cela aurait aussi obligé certains à redescendre sur terre, leur éviter de se lancer dans une opération financière extrêmement risquée qui aboutira, tôt ou tard, aux situations poignantes qu’on observe partout où la bulle a finalement éclaté.

Mais ce n’est pas dans l’air du temps : s’endetter est, encore et toujours, über-fashion. L’Etat est d’ailleurs la démonstration parfaite que l’endettement y est vécu de façon détendue et sereine. Montrant l’exemple, il incite ses petits pious-pious à faire pareil, emprunter sans compter.

Mieux : épargner, mettre de côté, est devenu honteux. Keynésiens jusqu’au bout des ongles, il est devenu pour les étatistes déplacé d’imaginer payer sa demeure quasiment cash, après avoir passé la moitié de sa vie locataire, de la même façon qu’il est devenu invraisemblable d’équilibrer les comptes de la nation, de présenter un budget en excédent ou à l’équilibre : ne pas s’endetter, ne pas emprunter, ne pas tout dépenser, c’est être définitivement vieux jeu, rabougri, avare, pire, ne pas savoir vivre.

Sarkozy continue donc sur sa lancée, sans prendre le temps, d’ailleurs, de réfléchir, et relance une nouvelle fois le bastringue à bulle.

Historiquement, cependant, comme toutes les bulles (j’insiste sur toutes) ont fini un jour par exploser, que croyez-vous qu’il va se passer avec celle de l’immobilier en France ?

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