Le président de Cromagnon

Comme on nous l’a abondamment rappelé ces derniers jours, la découverte de la grotte de Lascaux remonte à 1940. C’est l’une des plus importantes grottes ornées paléolithiques et l’on estime que les peintures et gravures qu’elle renferme datent d’environ 18000 ans. Mais quinze années de fréquentation touristique ont suffi pour menacer sa conservation. Dès 1955, on a constaté les premiers indices d'altération. En 1960 apparaît une maladie « verte » si bien qu’en avril 1963 André Malraux interdit l’accès au grand public. En dépit des nombreuses mesures entreprises ensuite, on remarque en 2001 l'apparition de moisissures dans le sas d'entrée de la grotte, bientôt suivies de taches noires qui subsistent encore maintenant. Divers scientifiques du monde entier s’interrogent sur les mesures à prendre pour préserver cet héritage exceptionnel.

Là-dessus, notre souverain, toujours avide de déplacements et, semble-t-il, beaucoup moins soucieux de travailler ou au moins de réfléchir, décide d’honorer de sa personne la célébration de ce soixante-dixième anniversaire. Initiative tout à fait louable ! Il aurait très bien pu, fidèle à son habitude de grand causeur, prononcer à cette occasion, sur place, bien sûr, un de ces discours fortement mimés dont il a le secret. Mais, malgré la fragilité de cette grotte, il a tenu à la visiter avec un petit groupe de compagnons, dont son épouse. Qui sait, peut-être que la présence d’un si extraordinaire aréopage aura causé à cette très vieille dame plus de bien que de mal. Tout réussit si bien à notre génie national !

Ce qui m’indispose, c’est que lorsque notre vaillant seigneur n’était encore que candidat, certain jour d’avril 2007, à Tours, il avait prononcé ces paroles impérissables : « Il ne faut pas être candidat à la Présidence de la République si l'on n'est pas prêt à s'imposer davantage de devoirs que les autres. Parce qu'un Président de la République c'est quelqu'un qui n'a pas plus de droits, plus de privilèges et moins de devoirs. Mais quelqu'un qui au contraire a moins de droits, moins de privilèges que quiconque et plus de devoirs. Il ne faut pas être candidat à la Présidence de la République si l'on ne se sent pas capable de donner l'exemple et de s'imposer à soi-même les sacrifices que l'on demande aux autres. »

Et voilà comment se conduit celui qui « dit ce qu’il fait, fait ce qu’il dit ». Devant une porte close, comme le premier tyranneau venu, il frappe le sol de son pied et s’écrie : «  Quoi, je n’aurais pas accès à ces lieux en péril, comme le premier pékin venu, mais je suis sa majesté, tout doit m’être ouvert, tout doit plier devant ma grandeur ! » Et d’aucuns seraient prêts à dire : « rebelote » ?