L’affaire Woerth-Bettencourt a franchi un nouveau pallier avec les accusations de « violation des sources » portées par le Monde contre les agissements de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Le quotidien affirme que le contre-espionnage français a enquêté, sur ordre de l’Elysée, pour trouver les sources de son journaliste qui suit l’affaire Woerth-Bettencourt. Le Woerthgate serait-il en train de tourner au Sarkogate ? Difficile de ne pas faire le parallèle avec le scandale du Watergate qui avait débouché sur la démission de Richard Nixon.
Les deux pieds et le nez dans le marigot, la presse française manque parfois de recul par rapport à l’affaire Woerth-Bettencourt. Le 7 juillet dernier, sans trop y croire lui-même, Le Monde publiait un article passé trop inaperçu : « Pour la presse internationale, Sarkozy est “comme Nixon pendant le Watergate” » .
Le quotidien fondait son titre notamment sur les interrogations prémonitoires formulées par Julian Sancton dans Vanity Fair . « Comme Nixon pendant le Watergate, Sarkozy risque de mourir à petit feu et il tente de minimiser les dégâts. Et comme ils l’ont fait pendant le Watergate, les hommes politiques les plus puissants, ceux qui étaient au cœur du scandale, sont restés à leur poste alors que leurs collaborateurs ont été jetés par-dessus bord comme du ballast. Et comme lors du Watergate, je présume que les révélations vont se poursuivre ».
Il serait presque amusant de relever la fausse naïveté de la presse française et d’une partie de la classe politique lorsqu’elles font mine de découvrir la fâcheuse tendance des monarques républicains à utiliser les moyens de l’Etat pour des intérêts personnels ou claniques.
Les barbouzeries gaullistes ou les écoutes pratiquées sous Mitterrand n’excusent rien. Mais si on veut éviter les incendies, on ne laisse pas les enfants mal-elevés jouer avec les allumettes.
Le décor des dérives actuelles a été planté dans l’indifférence générale lorsque Nicolas Sarkozy a fait main basse sur la sécurité nationale et le renseignement (c’est ici) en créant en janvier de cette année un conseil de sécurité nationale à l’américaine placé sous sa seule autorité.
Ce qui est sûr, c’est que l’affaire a changé de dimension, passant de la problématique des conflits d’intérêts en un dévoiement des moyens de la république pour des affaires privées. Ubuesque et folklorique lorsqu’il s’agissait des rumeurs entourant le couple Sarkozy-Bruni, la déviance est soudainement devenue plus inquiétante lorsqu’elle a trait à la presse à la liberté d’informer. Car derrière la préservation des sources c’est bien la mise au grand jour de certaines pratiques qui est en jeu.
Que de chemin parcouru depuis la campagne de 2007 quand Nicolas Sarkozy fascinait la presse alternant tutoitements, familiarités et rudoiements d’une rare violence dans les rapports incestueux des journalistes embedded…
A tort l’exécutif pense que pèse sur les hauts fonctionnaires une obligation totale de silence. La responsabilité citoyenne c’est de faire remonter via la presse ou la justice des actes illicites dont on est les témoins. La prise supposée illégale d’intérêt d’un ministre en exercice entre bien dans ce cadre et ne saurait relever de la sécurité ou de la défense nationale.
Le glissement de la présidence Sarkozy est préoccupant. En seulement trois ans on aura assisté à l’usage à des fins privées par Nicolas Sarkozy des services de police pour des histoires de couple ou de règlement de compte politique, à l’extension anormale du secret défense et désormais, à la chasse aux sources des journalistes par le contre-espionnage. Il y a bien du Nixon chez le locataire de l’Elysée.